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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
6 mars 2024

Hotel by the River (Gangbyeon hotel) (2019) de Hong Sang-soo

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Joie de découvrir le dernier Hong en avance (cela aide d'être bilingue en coréen - n'en croyez pas vos oreilles). Joie tempérée par le plaisir relatif pris à la chose. Hong a tourné la chose en 15 jours, écrivant apparemment le scénar au fur et à mesure. D'où une certaine et indéniable impression de naturel. De légèreté ensuite. Il ne se casse plus la nénette, le bougre, a brouillé intelligemment les pistes narratives, à varier les angles, les points de vue. C'est même ici plutôt l'effet contraire : d'un côté les femmes (une jeune femme qui a perdu son amant se retrouve dans une chambre d’hôtel avec sa copine), de l'autre les hommes (un père et ses deux fils). Ils vivent sur les mêmes lieux mais ne se croisent guère, qu'accidentellement en un sens, comme si (c'est justement un sujet du film évoqué par les deux donzelles) leurs attentes ne pouvaient pas correspondre (l'homme n'est jamais mature - je confirme). De plus, cette impression "d'isolement" est renforcée par cette façon qu'à le père de fausser compagnie à ses deux progénitures venues lui rendre visite - là encore, par ce procédé, Hong renforce le sentiment d'un père qui n'a finalement pas grand-chose à voir avec les deux sbires (ce poète s'était barré de chez lui il y a longtemps, et même s'il fait semblant d'être content de discuter avec eux, on sent qu'au fond de lui il s'en carre et ne regrette absolument rien). Bref, cinq personnages en un même lieu, trois groupes, et un sentiment d'évitement évident... Pourquoi pas. Le souci c'est qu'au-delà de cette petite mise en scène, il y a les fameux tête-à-tête hongiens. On sait qu'ils peuvent être rohmériens, drolatiques ou encore fabuleusement colériques. Ici, on est plutôt dans la demi-mesure... On pense, sur la toute fin, qu'un des gamins va se rebeller contre son père mais le ton redescend vite. Du coup, beaucoup de parlottage (oh tu nous as manqué...), de discussionnage (oh pourquoi as-tu fait cela... mais a-t'on vraiment des choses à se dire, des points communs ?...) et de tournage en rond. Les deux jeunes femmes se réconfortent à demi-mot, prenant plus de plaisir à se prendre dans les bras qu'à philosopher et les trois bougres, derrière leur petit sourire contrit, ne font pas vraiment avancer le schmilblick - le vieux a aimé les femmes mais n'en parle guère, son fiston réalisateur s'en défie sans trop rentrer dans les détails (il y a la figure de la mère, c'est une piste, mais c'est tout), l'autre fiston vient de divorcer mais ne veut pas en parler - bien, bien, bien... On admire les beaux paysages blancs (ouh la jolie photo toute immaculée), on sourit un brin quand l'un des fils dit que leur mère continue de prendre leur père pour un connard ou quand le père offre deux peluches à ses gamins avant de les prendre en photo (autant d'épisodes nous faisant bien comprendre que chacun reste bien sagement dans son camp) mais c'est un peu maigre pour sauter d'allégresse lorsque survient le générique de fin ; Hong maîtrise ses petits plans-séquences ultra-dialoguées et sa direction d'acteurs mais on trouve le concept, ici, guère mirobolant - pour ne pas dire diablement classique et pépère (quand on tourne 112 films en cinq ans, c'est clair qu'on perd aussi un peu en inspiration formelle). Un film aux sentiments tamisés, un film de personnages-flocons qui restent dans leur petite bulle, un film qui risque surtout de fondre un peu trop vite dans notre esprit.  (Shang - 14/05/19)

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Bien sous le charme, moi, de ce minuscule film sous la neige, envapé dans l'alcool et la sieste. C'est d'ailleurs le charme de la chose : les personnages n'arrêtent pas de s'endormir, de se réveiller, de disparaître pour réapparaître, si bien qu'on est en droit de se demander si tout ça n'est pas un rêve éveillé : ou en tout cas, qui est le rêve de qui, là-dedans ? Les deux femmes qui ne cessent de tomber dans la léthargie, allongées l'une face à l'autre dans le lit, ne fantasment-elles pas ce trio masculin, ce poète isolé dans un hôtel loin de tout ? Les fils qui s'assoupissent sans arrêt sur la table du restaurant ne rêvent-ils pas de ce père retrouvé le temps d'une journée ? Celui-ci qui semble disparaître ne crée-t-il pas dans son sommeil ces fils prodigues, ces jeunes filles en fleur ? En tout cas, le film, bien aidé par son noir et blanc vaporeux, par ses paysages d'une blancheur absolu, par son rythme alangui, par la ténuité de sa trame, baigne dans une atmosphère un peu hébétée, et cultive un côté absurde très discret : on ne sait jamais exactement où sont ces personnages, quand ça se passe, sur combien de temps, d'où viennent ces gens, et le scénario ménage de larges béances dans la narration, des temps suspendus, qui empêchent totalement le réalisme. Ça jure avec le naturalisme des dialogues, qui ne raconte rien ou presque, avec ce ton minuscule habituel chez Hong. Bon, tout ça revendique le manque d'importance, la modestie, et emporte complètement le morceau : on passe le film comme dans un rêve plein de petits détails drôles ou mignons, graves ou surprenants, sans arrêt démunis devant cette façon de faire du Lewis Carroll tout en réalisant un Rohmer. Le film est souvent marrant, grâce à ce père légèrement fantasque et à ses fils un peu coincés, souvent très poétique (dans cette rencontre impromptue avec les jeunes femmes). Et la fin, que je ne dévoilerai pas, finit par être d'une logique imparable : on a assisté là aux fantasmes, regrets, espoirs, souvenirs, idées d'un homme malade, déjà dans l'hiver de sa vie. Un très beau film, le plus durassien de Hong, je dirais. (Gols 06/03/24)

Tout Hong Sang-soo sans souci

Commentaires
S
Sauf que fusionnées aux 85 minutes qui les précèdent (et qui nous semblaient, quoique charmantes, presque aussi fades que l'eau du Han ou la neige) les trois dernières scènes - la lecture du long poème, ǝɹǝ̖d np sǝ̖ɔǝ̗p ǝן, cette communion lacrimo-sororale du point final - d'un coup "trempent" tout le film et font de cette grosse heure et demie le rostre qui nous harponne à rebours par-dessous.
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