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27 décembre 2023

LIVRE : L'Adieu aux Armes (A Farewell to Arms) d'Ernest Hemingway - 1929

8da28a688ffce21abb79a2bef9f632807984887cef330d60cc8d821c0a89aa00Bah, qui osera essayer d'ôter ce livre de mes bras énamourés ? Hemingway est un des quatre piliers de mon édification littéraire, et ce roman-là est un de ses meilleurs ; c'est vous dire, donc, le plaisir que j'ai eu à le relire. On connait l'histoire, même si celle-ci n'a que peu d'importance dans la beauté du récit : nous sommes en pleine première guerre mondiale, dans l'armée italienne, où le narrateur, américain, s'est engagé en tant qu'ambulancier. Le livre se partage entre ses descriptions du quotidien des batailles sur le front, et la narration de son amour de plus en plus fort pour une infirmière anglaise rencontrée là-bas, Catherine Barkley. D'un côté donc, la camaraderie virile, les plaisanteries de troufions, les filles de régiment et les bombes ; de l'autre, l'amour, la beauté, la douceur, l'intelligence. Hemingway étant autant à l'aise dans un registre que dans l'autre, il trousse un récit qui est à la fois une exaltation de l'esprit masculin de l'aventure, du risque et de la mort, et une formidable étude romantique sur la complicité avec une femme. Du côté de la guerre, il pointe l'inéluctabilité de la violence du monde : la guerre existe, est inévitable, il ne sert à rien de lutter contre elle, autant en faire un terrain de fraternité et d'entraide. Du côté de l'amour, il l'oppose avec une force et un sentiment incroyables à la guerre, montrant en quoi il est source de douceur, de bonheur, de compréhension de l'autre. Il invente avec cette Catherine Barkley un personnage fabuleux, très littéraire, et qui vient démentir tous les clichés virilistes qu'on peut avoir sur Hemingway : il sait parler aussi bien, voire mieux, des femmes que des hommes, des sentiments amoureux que de ceux guerriers.

Le roman, très dialogué (et on connaît la science millimétrée du bougre pour les dialogues, qui sont ici plus qu'étincelants), ne se départ pas d'un style du quotidien qui se veut le plus simple, le plus épuré, le plus brut possible. Pas besoin de mille circonvolutions poétiques pour décrire un ciel ou une plage : il est bleu, elle est jaune, et baste. Cette grande pureté d'écriture a fait toute la gloire d'Hemingway : elle est poussée ici à son point le plus extrême, et elle envoie une trame qui aurait pu n'être que mélodramatique dans les étoiles. Grâce à elle, Hem écrit une véritable ode à l'amour, opposé ici dans ses sentiments purs à la guerre, jamais condamnée, parfois même exaltée, mais représentée dans toute sa laide crudité. Chaque phrase semble réduite à sa plus simple expression : pas de réflexions psychologiques ou d'adjectifs redondants dans l'écriture de Hemingway. L'épithète est son mantra, la fulgurance sa manière. Ce style faussement simple doit être un cauchemar à maitriser : il est tout simplement le maître dans le genre. Son écriture, issue du journalisme, qui devait être le plus clair, le plus court, le plus simple possible, fait toute la beauté de L'Adieu aux Armes, qui apparaît peu à peu comme un diamant extirpé d'un tas de charbon. Sur la guerre et sur l'amour, on n'a jamais écrit plus frontal et plus beau.

Commentaires
S
Carver disait (ou citait-il un autre auteur ? je ne sais plus) que personne dans la vraie vie ne parle comme dans les romans d'Hemingway, sauf des personnes qui ont lu Hemingway. Mais oui ses dialogues sont tirés au cordeau. N'oublions pas ce credo du maître d'Ernie, Ezra Pound (et punaisé sur le mur de Carver, encore lui) : "L'exactitude foncière de l'expression est la seule morale de l'écriture."
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