Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
14 février 2023

El Chuncho (Quién sabe ?) de Damiano Damiani - 1966

critique-el-chuncho-damiani

Un vrai bonheur que ce western-spaghetti teinté d'indignation politique bien de son époque (on est dans les années 60). Très dans la veine de Sergio Leone, mais n'ayant pas à rougir devant le maître, Damiani réussit quelques scènes franchement formidables, grâce à son sens de l'espace épatant, à ses brillants acteurs, et à son ton entre virulence politique et violence extrême qu'il mêle d'un humour très caustique. Il y a dans ce portrait de la révolution mexicaine quelque chose de cynique de la part du scénariste : El Chuncho est un bandit révolutionnaire, volant des armes et assassinant des soldats pour la cause... sauf que sa conscience politique s'arrête là où sa stupidité commence. Inculte, bête, paillard, il regarde se dérouler l'Histoire sous ses yeux, convaincu de contribuer à la fabriquer, mais il est en fait plus préoccupé par son statut de héros et par les fêtes tonitruantes qu'il organise pour fêter ses victoires. Au cours d'un de ces coups, il croise la route d'El Nino, un mercenaire américain aussi élégant que madré, qui va utiliser notre homme pour parvenir à ses fins : s'enrichir sans vergogne. Un mariage de la carpe et du lapin, ou plutôt du cow-boy stupide traditionnel et du cow-boy malin comme un renard à la Clint Eastwood. Classique duo mal assorti, mais qui peu à peu va se changer en une étonnante amitié de la part de Chuncho. Amitié qui va malheureusement se heurter aux modalités de la cupidité.

critique-el-chuncho-damiani-16

Ce western est étonnamment violent. Aucun scrupule ne vient tourmenter Chuncho quand il s'agit d'abattre du soldat, et il ira assez loin dans la brutalité, accompagné il est vrai par un affreux jojo (Klaus Kinski), pourtant représentant de l’Église, encore plus cruel que lui. Les coups de feu claquent sec, ça tombe comme à Valmy, et pas un n'en réchappe dans cette boucherie : la révolution est montrée dans son plus simple appareil, on sent bien là le mélange de fascination et de répulsion que Damiani éprouve envers la guerre. Ses combattants sont loin de la pureté, puisqu'ils se battent sans vraie conscience politique. Voilà qui, en cette période de marxisme et de poing levé, prend des airs de dangereuse sédition. Tout est désespéré dans El Chuncho, à l'image de ces formidables décors filmés avec intelligence, et à l'image du réalisme cru de ce qui est montré (notamment les péquenots mexicains). Pourtant, l'humour sauve tout, et ce ton noirissime est contrebalancé par un excès baroque tout à fait réjouissant.

128062

A ce petit jeu-là, Gian Maria Volonté est un as : il est parfait dans un rôle très délicat de bandit goinfre et crétin doté pourtant d'un cœur d’artichaut et d'une conscience politique assez instinctive. Les gros plans que Damiani lui octroie sont des modèles de subtilité, pour un personnage pourtant très baroque et expressif. Face à lui, Lou Castel joue son opposé exact, dandy au calme olympien et à l'expressivité minimale, qui pendant tout le film, joue sur l'ambiguïté vis-à-vos de son partenaire et du public. : est-il véritablement sincère dans son combat politique et dans son amitié pour Chuncho ? Ou n'est-il qu'un opportuniste sans pitié ? Ce petit jeu de chat et de souris culminera avec une scène finale incroyable, dont je vous défie d'arriver à la prévoir à l'avance. Le film est de toute façon riche en morceaux de bravoure, depuis les attaques du gang qui sème le chaos sur leur route jusqu'à l'exécution de ce seigneur nanti ("- Vous voulez me tuer parce que je suis riche ? - Non, parce que nous sommes pauvres"), depuis le hold-up du train qui ouvre le film jusqu'à la fête du village, animée et paillarde. Accompagné de la musique parfaite de Luis Enríquez Bacalov ("supervisée" par Morricone), on se coule avec délice dans ce western hyper stylisé et pas bête. Impeccable.

CHUNCHO

Welcome to New West

Commentaires
Derniers commentaires