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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
29 décembre 2022

The Fabelmans (2023) de Steven Spielberg

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On va encore me dire que je ne suis pas un grand fan de Spielberg (c'est vrai), que je ne sais pas reconnaître son sens de l'entertainment (c'est moins vrai) ou encore que je suis passé à côté de ce film où le cinéaste se livre comme jamais sur son intimité et son attachement au cinéma (c'est faux). Car, en effet, on ne passe pas un mauvais moment avec l'ami Steven et on tente d'apprécier ses foultitudes de clins d'oeil aux films qui l'ont marqués, tout comme on sourit, en bonne intelligence, devant l'utilisation "cathartique" ou "révélatrice" (on y revient) qu'il fait du cinéma... Mais revenons d'abord à cette histoire, à ce fil conducteur relativement simple : l'ami Steven y raconte son enfance, au fil des mutations de son père ingénieur visionnaire, talentueux (Paul Dano, un gentil bloc de foi grasse), ses rapports avec ses parents (et les tensions entre son père et sa mère), sa découverte des caméras et du cinéma (il filme, réalise des courts-métrages avec les moyens du bord), ses premières amours (catholiques !) ou encore la discrimination antisémite dont il fut victime en particulier lors de ses études... Voilà posées rapidement les principales thématiques.

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Ce qui nous intéresse forcément le plus, c'est la façon, dont, à chaque fois, l'utilisation de la caméra, le fait de faire un film, vont devenir porteur de sens chez ce gamin stevenisé : il y a tout d'abord cette vision au cinoche de Sous le plus grand Chapiteau du Monde qui va marquer au fer rouge notre bambin ; l'accident de train va en effet hanter ses nuits ; la seule façon pour lui de vraiment "catharsiser" cette image choc sera dans un premier temps de la recréer puis de la filmer, de la fixer à son tour sur un film, pour en vider la substantifique moelle mi-traumatisante, mi-merveilleusement marquante. C'est assez malin (filmer pour à la fois se débarrasser de ses cauchemars et "réaliser" ses rêves) et Spielberg d'exploiter par la suite la moindre scène filmée par son jeune héros pour rendre compte des émotions, des prises de conscience de son héros : un film qui révèle le lourd secret de sa mère, un court qui révèle son ingéniosité (les petits trous dans la pellicule : Spielberg et les effets spéciaux malins, une histoire qui dure), un autre qui montre comment il parvient à faire poindre les émotions (si l'acteur ne ressent pas lui-même d'émotion comment la transmettre au-delà de l'écran ?), ou encore un montage sur des images de vacances collégiennes où il parvient carrément à glorifier un con : le pouvoir mystificateur du cinéma CQFD... Un véritable petit cours sur le cinéma de Spielberg pour les nuls illustrés savamment et simplement par son auteur. Pas de doute, il y a de la réflexion dans la "mise en scène" (oups, le mot est lâché) de ces différentes productions filmées et sur les sens, l'essence cinématographique, qu'elles recèlent. Mais, disais-je, si on sourit, c'est parce que cela est sans doute certes malin mais aussi un peu trop voyant, un peu trop clairement exposé, démontré... De la même façon qu'on voit venir de très loin le "secret" de la mère, que la relation amoureuse catho-juive est lourdingue, que les insultes antisémites sont enfoncées comme des clous (...), de la même façon on a toujours ce sentiment chez Spielberg d'une explication un peu "téléphonée" (cela va de soi, et(c)...), un peu voyante. Oui, ce film, malgré sa longueur, reste plaisant, oui, il y a chez Spielberg cette incontournable capacité du bon faiseur, de l'artisan consciencieux, cette mise en scène d'une indéniable fluidité, un fond pas sot, mais aussi ce sentiment d'un cinéma aujourd'hui un peu vieillot (les scènes de College) et un peu trop démonstratif, un peu simpliste. The Fabelmans, au final, constitue une belle fable intime sur un auteur qui ose se dévoiler un brin et qui offre une sympathique petite réflexion sur son attachement au cinéma, à ce que celui-ci lui a apporté, et, par la bande, à ce qu'il lui a aussi modestement apporté (avec en bonus, sur la toute fin, dans le rôle de John Ford, une incarnation surprise géniale qui finit quand même par nous rendre ce Steven fort sympathique...). Correc. C'est tout bon pour un Oscar ? Fort possible.   (Shang - 16/12/22)

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Sacré Shang, qui parvient à mettre des mots très justes sur ce qui fait la grandeur de ce film, et du cinéma de Spielberg en général, qui en révèle les beautés et l'intelligence, qui note l'intimité et la force de ce scénario... pour conclure au final que mouais, bof, c'est moyen. On a vu le même film, on est d'accord, et on en a la même vision ; mais je soutiens, moi, que c'est un grand Spielberg, que tout ce que note Shang en fait un film bouleversant, intelligent et magnifique. C'est en tout cas son film le plus personnel, puisqu'il raconte la genèse du cinéaste, toutes les émotions et les anecdotes qui ont fait de lui le faiseur de spectacles qu'il est aujourd'hui. Nul besoin après ça de se taper une biographie : il y a tout dans The Fabelmans, qui constitue une révélation des sources d'inspiration du bon maître. Bouleversé, en effet, par cette façon de dévoiler ce qui, pour lui, constitue le cinéma : une catharsis. Au détour de scènes en général merveilleusement malines, à la fois légères et très introspectives, il nous explique pourquoi il filme : pour conjurer la peur (le passage sur le film de DeMille : pour cesser d'avoir peur de la mort, il faut l'imprimer sur la pellicule, la reconstituer dans sa chambre) ; pour rendre la vie plus belle (le formidable dialogue entre le héros et son connard de camarade de classe antisémite, qui ne comprend pas pourquoi ni surtout comment il apparaît beau dans le film) ; pour révéler l'invisible (les amours illicites de sa mère ne sont visibles que sur la pellicule, que le bambin scrute maladivement pour se faire du mal) ; pour fuir la réalité, pour la rendre plus vivable ; pour dire ce qu'on est incapable d'exprimer dans la vie ; ou simplement pour draguer, pour tomber amoureux, pour se révéler. Autant de déclaration d'amour à l'art du cinéma, que Spielberg nous montre à travers un film plutôt joyeux, alors même que le fond est plutôt torturé.

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Pour cette fois, la photo de Kaminski, que je n'aime pas du tout en général, met à jour cet aspect "toc" des souvenirs du cinéaste, cette part de fantasmes qui se mêlent à la réalité : Spielberg sait bien qu'il nous donne à voir une version subjective de son enfance, et la photo très hollywoodienne, très "studio", ajoute à cet aspect onirique. Ce qu'il y a de très beau aussi dans The Fabelmans, c'est qu'on y voit déjà, à travers les petits films réalisés par Sammy, la genèse de plusieurs films de Spielberg : une bataille échevelée montée artisanalement annonce Il faut sauver le soldat Ryan ; une scène de tempête annonce La Guerre des Mondes ; une insulte antisémite annonce La Liste de Schindler ; un accident de train annonce Le Train fantôme ; et on voit aussi des clins d’œil à Jaws, à E.T. ou à Munich. On a même droit à une explication possible du fameux "regard à Dieu" qui fait ma joie depuis Duel, qui traverse toute l’œuvre de Spielberg jusqu'à West Side Story. A chaque fois, c'est fait avec une discrétion il est vrai assez inhabituelle chez ce cinéaste qui manque parfois de subtilité. Dernière révélation autobiographique, et non des moindres : l'allégeance du gars à John Ford, traduite ici par une scène parfaite, sobre et drôle. On savait l'amour que Spielberg portait au vieux borgne depuis Cheval de guerre, mais le voir ici rectifier in extremis un cadre pour que l'horizon soit à hauteur "fordienne" est très émouvant, et encore plus parlant que les ciels immaculés de son film de guerre. Toute la carrière du sieur y passe, on le voit bien, à chaque fois mélangée à une histoire classique mais belle, à chaque fois portée par des comédiens excellents (Dano est vraiment bouleversant, Michelle Williams parfaite en mère légèrement borderline), à chaque fois mise en scène (oups) avec une force visuelle impeccable. Dans le top 10 des plus grands Spielberg pour moi.   (Gols - 29/12/22)

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Commentaires
H
J’ai essayé, dieu m’est témoin que j’ai essayé. J’ai vraiment tenté de me mettre dans les meilleures dispositions. Un film semi-autobiographique, tourné sur le tard par un réalisateur n’ayant plus rien à prouver (tout du moins commercialement) : peut-être une émotion allait-elle poindre ? Malheureusement, une fois les lumières rallumées, une seule pensée me vint : « fake, totally fake », pour reprendre les mots du jeune Spielgelman à propos d’un de ses premiers essais cinématographiques (‘Les Fabelberg’ permet au moins de confirmer un terrible soupçon : dès l’adolescence, les films de l’auteur des ‘Dents de la mer’ étaient assez indigents).<br /> <br /> <br /> <br /> La phrase de Talleyrand « Ce qui est excessif est insignifiant » m’a toujours semblé d’une pertinence variable. Dans le cas par exemple d’’Écrit sur du vent’, je la trouve inadéquate : les excès en tous genres qui strient le film de Douglas Sirk desserrent l’étroit corset des conventions américaines des années 1950, et le font par moments basculer dans une sorte de délire paganique. En revanche, j’ai toujours trouvé que les excès de Spielberg n’avaient aucun intérêt, et son dernier film me confirme plus que jamais dans cet impression. Mais au lieu d’être insignifiants comme dans la phrase de Talleyrand, ils sont sursignifiants : ce ne sont que soulignements, explicitations, forçages du trait afin que nul n’ignore de ses intentions dramatiques, émotionnelles, spectaculaires. Cela ne relève plus de « l’évidence » du cinéma classique : au-delà de la clarté, on tombe dans la transparence, au mauvais sens du terme. Jamais l’outrance spielberguienne n’atteint à cette folie quasi obscène des films de Cecil B. DeMille, dont Spielberg présente pourtant un passage de ‘Sous le plus grand chapiteau du monde’ comme sa scène cinéphilique traumatique, au début des ‘Spabergman’.<br /> <br /> <br /> <br /> Par ailleurs, je ne supporte plus ce cancer des scénarios actuels que constitue l’écriture en scénettes (quand ce n'est pas en vignettes, comme chez Wes Anderson). L’ellipse n’a d’intérêt que si elle n’est pas systématisée. C’est bien beau de revendiquer John Ford comme figure tutélaire, mais chez ce dernier le récit se composait de véritables scènes, chacune douée d’une logique et d’un développement organiques menés à leur terme, et non d’une suite de fragments narratifs avortés, atrophiés, rabotés afin de ne point trop abuser de la patience du spectateur — patience en l’occurrence réduite à néant par la durée du film : cette division en scènettes donne souvent lieu à des films très inutilement longs, et dénués de rythme (‘Les Manbergbiel’ dure cent cinquante minutes, mais les deux heures du ‘Joker’, qui se conformait aussi à cette mode narrative, étaient déjà interminables).<br /> <br /> <br /> <br /> Un point de détail, pour finir. Les clins d’œil cinéphiles au dialogue d’’Adam’s Rib’ de Cukor (« If there's anything I'm a sucker for, it's licorice ») ou à la musique de l’épisode fordien de ‘La Conquête de l’Ouest’, sans casser trois pattes à un canard, sont moins agressivement laids et bêtes que les références à ‘King Kong’ et à ‘Shining’ qu’on subissait dans l’avant-dernier opus de Spielberg (l’atroce ‘Ready Player One’), mais l’un d’entre eux donne quand même envie de pleurer (de rage). Dans un des moments un tant soit peu émouvants du film (même si, encore une fois, surlignés à outrance), le jeune protagoniste se rend compte qu’il en train d’attendre dans le bureau de John Ford ; le thème musical du retour à la maison de ‘La Prisonnière du désert’ se fait alors entendre, mais lorsque Ford déboule impromptu dans le bureau en question, la musique est interrompue par un bruit de diamant qui dérape sur la surface d’un disque vinyle. C’est un des effets sonores les plus éculés, moches et vulgaires qui soient, ayant traîné dans des milliers de pubs, de clips et de sitcoms, et que l’on serait en droit de reprocher à un étudiant en première année d’études de cinéma. L’homme qu’on nous présente comme un des plus grands cinéastes que la terre ait portés est capable d’aussi tristes fautes de goût.<br /> <br /> <br /> <br /> (Et puis quand même, la recommandation donnée par John Ford au jeune homme à propos de la ligne d’horizon... Cela m’a fait le même effet que si, dans un autre film, un apprenti-écrivain rencontrant Albert Camus s’entendait dire par ce dernier : « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. » Quitte à foncer dans les citations-clichés de Ford, le jeune homme aurait dû lui demander : « Comment êtes-vous allé à Hollywood ? », le cinéaste aurait répondu : « En train », et la messe aurait été dite.)
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S
En effet, c'est vraiment un film d'une bêtise confondante. C'est un peu le cinéma de Spielberg pour les nuls. Moi je ne jette pas tout Spielberg, je partage son oeuvre en deux: quand il ne se prend pas au sérieux, c'est un très bon entertainer et ça donne, E.T., Les aventuriers de l'arche perdue, Minority Report, Duel, Rencontre du troisième type, etc... Quand il se prend au sérieux, il est pathétique car il a encore aujourd'hui 10 ans d'âge mental, et ça donne Amistad, La couleur pourpre, La liste de Schindler, The Fabelmans, etc...<br /> <br /> L'air du temps fait que ce film bilan est encensé partout à l'heure où les salles essaient de repartir, mais il est plombé par ce qu'il faut bien appeler une grande bêtise. Quant à sa mise enscène, pas une seule idée en 2h30, juste de l'application gnan gnan... Horrible.
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G
Je retourne au cinéma cette semaine pour une 3ème vision de ce chef-d'oeuvre intersidéral. Je crois que vous avez tort, mais je vous tiens au courant, Mitch.
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B
C'est quoi ce téléfilm ? ? ! ! ! <br /> <br /> <br /> <br /> Ah mais, quel pensum, quelle ineptie, quelle soupe de gruau mal cuit... (ici : grimace de dégoût consterné). <br /> <br /> Aucune émotion, aucun charme. Et que je te vous assène, avec un sérieux de pontife, un chapelet de pomperies : "Tu fais ce que tu fais car il y a toujours une raison", "la vie c'est pas du cinéma", et un tas de perles de la même eau, enfilées avec des gants de vigneron sous éthyl. <br /> <br /> Niveau philo de "Max et Lili".<br /> <br /> <br /> <br /> Tellement paresseux que ça steadycam partout dans les coins pour éviter tout plan qui pourrait s'appeler un plan.<br /> <br /> Si peu de pensée derrière ça, ou si médiocre, que c'est pitoyable à regarder. <br /> <br /> (Gols, vos élans esthétiques ne déçoivent décidément jamais.) <br /> <br /> <br /> <br /> Spielberg n'a jamais su très bien ce qu'était faire du cinéma, alors il a bricolé des (télé)films comme disait l'autre. <br /> <br /> Là, c'est l'Abîme. Le fond du fond. De l'ennui. De la balourdise. De la branlette qui donne du jus de navet. <br /> <br /> Par chance, avec le gusse, on est préparé au pire. Au moins, ça limite d'emblée les espérances. Et coup de bol pour lui : à cause du froid de loup dehors (bise de nord-poutine qui vous perçait les carpiens), de mes tarsiens douillettement glissés sur le chauffage de la salle, je suis resté. <br /> <br /> <br /> <br /> Ah, malheureux Spielbou... ça voulait bâtir une ''americana" ! <br /> <br /> <br /> <br /> Il eut alors fallu avoir appris les leçons de Ford (ce pauvre bêta de Stevie traîne ça comme un boulet depuis un demi-siècle : ne jamais avoir pu dépasser l'école primaire), ou celles de Delmer Daves, Henry King, Borzage, enfin, ceux qui ont fait du Cinéma, du vrai. <br /> <br /> Lui qui en a plein la bouche du travail de ces mecs-là, pourquoi il les écoute si mal? <br /> <br /> <br /> <br /> Lui, eh bien... il redouble. Et redouble. En boucle. Sans fin. <br /> <br /> Côté réalisation, il en est toujours au "Frelon vert". Parfois, il nous le plonge dans la peinture noire ou grise, histoire d'être pris au sérieux. <br /> <br /> Hélas, quoi qu'il fasse, ça reste le Frelon vert. <br /> <br /> <br /> <br /> Ok, j'ai aimé le ouistiti. Il m'a maintenu éveillé. <br /> <br /> Ok, David Lynch m'a fait sourire (bien que manquant de joues, et dans une scène à la conclusion tellement, tellement bête !). <br /> <br /> OK, j'ai aimé que le mignon petit Sam Fabelman du début soit en réalité un chat. <br /> <br /> Pourquoi un chat ? <br /> <br /> Ses yeux sont bleus quand il est gosse. Devenu ado, ils virent super noirs. <br /> <br /> (Preuve sur vos photos). <br /> <br /> <br /> <br /> Petits plaisirs pois chiche, quand même, pour 150 minutes d'authentique désolation.
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