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21 janvier 2023

Bruno Reidal (2022) de Vincent Le Port

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Début du siècle, le Cantal, un ado de 17 ans égorge et décapite un gamin de son âge – pourquoi donc ?... On les aime, généralement, ces films rugueux, pialatesques, qui rendent compte du côté frustre d’une région ou d’un caractère. Et on adhère, ici, pleinement, à cette histoire et à ce personnage rugueux, sec comme un coup de trique.  Il s'agit donc ici, avant tout, de dresser le portrait de ce Bruno, de ce gamin taiseux qui va écrire lui-même son parcours, raconter son évolution et ses envies de meurtres (diable !) depuis tout petit. Autant le dire tout de suite, le cinéaste réussit son pari en nous faisant suivre le parcours pas joyeux joyeux de cet ado renfrogné, intelligent, et buté ; une chronique d’une mort atroce annoncée, relatée avec une belle et juste rigueur.

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On suit donc les confessions de ce Bruno face à ces trois adultes du monde médical (« nous ne sommes pas là pour te juger mais pour comprendre, tu dois donc tout nous dire » - idem pour nous en fait) : on le suivra donc tout gamin, s’attardant sur la nuque de l’un de ses camarades de classe (les pulsions meurtrières naissent terriblement tôt dans le Cantal, c'est un fait…), puis jeune ado avec un berger de passage qui le violera et l’initiera à la masturbation (un épisode forcément traumatique en soi, surtout vu la suite des événements et l'association entre sexe et violence) puis plus tard étudiant à Saint-Flour pour rentrer dans les ordres… peu de temps avant le drame, avant le passage à l’acte. S’il est bon de voir que le Cantal, tu peux le filmer aujourd’hui comme il y a un siècle : cela n’a pas bougé (j’exagère à peine, mais il est plaisant de ne pas avoir besoin de reconstitution factice ou de fond vert pour donner à ce récit un cadre adapté), il est plaisant aussi de voir qu’avec deux trois costumes, un chouille d’accent local et un fond d’église, le cinéaste parvient immédiatement à nous plonger dans cette (toute autre) capsule spatio-temporelle. Tout repose ensuite sur le jeu de ce gamin qui incarne corps et âme ce mystérieux Bruno. Mystérieux, peut-être pas tant que cela finalement, tant le gamin se livre avec franchise et honnêteté sur ses émotions comme sur ses actes. On rentre véritablement dans la peau de ce jeune gamin de la campagne, de ce solitaire, qui, avec cette sorte de terrible "force du destin", va accomplir ce qu’il pressentait vouloir accomplir depuis tout minot. C’est à la fois totalement crédible et terriblement effrayant (effrayant, sûrement, parce que crédible, justement : on ne doute pas un instant de la « logique » du gamin, des pulsions sourdes et profondes du garçon). On le suit, timide, gauche, maladroit, à l'école, dans la ferme, à la campagne, lorgnant plus les gens alentours que les fixant droit dans les yeux et Le Port de rendre compte avec une grande justesse de ce mélange étrange de distanciation et de désir violent (une pulsion motivé par le sexe, par la jalousie, par... ?) qu'il a avec ses pairs, ses camarades. Même si peut-être la dernière partie est un poil longuette (qu'il passe à l'acte, le bougre, qu'il se délivre...), on apprécie cette oeuvre parfaitement maîtrisée et interprétée de bout en bout. Fatal Cantal.   (Shang - 16/12/22)

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Impressionné moi aussi par ce film ascétique qui suit les pas de René Allio, sorte d'excroissance à Moi Pierre Rivière... Il y a quelque chose de totalement épuré dans ce film, fait assez unique de nos jours pour saluer ce geste tout de radicalité. Chaque scène st racontée de la façon la plus simple possible, ce n'est pas le genre de la maison de faire des galipettes avec sa caméra. Voilà qui rend pleinement justice à cette horrible histoire rurale, secrète, étrange, mystérieuse : si les motivations du jeune Bruno pour tuer un gamin de passage restent plus ou moins opaques, on note que cet acte fatal doit tout à une vision sadienne de la vie. Le Port est un mystique comme l'est Dumont, rien d'étonnant à ce que leur cinéma se ressemble et qu'on y trouve des figures communes (Jean-Luc Vincent). Les motivations meurtrières de Bruno deviennent alors une sorte de dialogue avec Dieu : il faut tuer pour pouvoir expier, il faut faire le mal pour avoir le plaisir de souffrir dans son âme juste après. Sade se frotte les mains du fond de sa cellule : ce film est une illustration de ses thèses, de sa psyché, de toute son œuvre. Avec une sobriété et un sérieux qui confinent au retrait pascalien, Le Port rend compte de cette folie, de cette radicalisation religieuse finalement, de cette sexualité qui doit se mêler avec la mort. Le résultat est impressionnant : évitant toute thèse qui alourdirait le récit, mais pourtant toujours porté par une interrogation, cherchant chez le spectateur lui-même l'explication de la chose, Bruno Reidal est un modèle de construction et d'intelligence. Tant pis si le jeu des acteurs n'est pas toujours au taquet (les jeunes notamment) ; on peut toujours mettre ça sur le compte d'un style bressonnien, voire apprécier ces maladresses d'amateur qui rajoute de l'authenticité à la chose.; tant pis si, c'est vrai, il y a un ventre mou aux deux tiers. On reste captivé par la tenue de ce film, qui choisit une voie et s'y tient jusqu'au bout. Remarquable.   (Gols - 21/01/23)

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