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21 janvier 2023

LIVRE : June d'Emmanuelle de Boysson - 2022

d502cb3168489aadfc3b7bc52d5d5bf0019ef04c2ed499c8a989c9241e879bf8Et si on parlait un peu de la masculinité toxique d'Henry Miller, hein ? J'ai beau être un amoureux inlassable de ses livres, le fait est que le personnage, de nos jours, aurait sûrement maille à partir avec le mouvement MeToo, et sans être un wokiste assidu (Dieu m'en garde), il peut être intéressant de relire son œuvre par le biais de la guerre des sexes. Surtout quand c'est fait avec la mesure qu'y met Emmanuelle de Boysson (la sœur de Debby ?). Choisissant un biais pour le moins original, elle nous parle de l'écrivain mythique en nous parlant de la femme qui l'a marqué le plus, la fameuse June Smith. On a tout lu sur elle dans les livres de Miller, mais qu'en sait-on exactement ? Le regard que l'écrivain porte sur elle n'est-il pas biaisé, et injuste par le fait qu'il est le seul qui nous reste ? De Boysson se lance donc dans la biographie de la dame, et réussit une belle réhabilitation de cette femme trop souvent cantonnée à son rôle de muse sexuelle, de femme fatale, de prostituée madrée et de briseuse de cœur. Elle en sort avec une toute autre figure. June Smith est une femme qui s'est sacrifiée pour l'amour de Miller, qui l'a entretenu financièrement pour lui permettre de laisser s'exprimer sa création, qui l'a toujours soutenu et encouragé, qui a accepté de rester dans son ombre ; et si elle n'a pas été trop regardante sur les moyens, cette abnégation force tout de même le respect. D'autant que de son côté, Miller, en vrai égoïste, ne s'est pas gêné pour l'exploiter à fond et profiter de ses largesses, tout en professant (sûrement sincèrement) un amour immodéré pour elle.

Le "roman" s'ouvre sur une June vieillissante, marquée par les années d’asile et d'électrochocs, solitaire et paranoïaque, qui attend la visite de sa famille venue lui reprendre les derniers écrits inédits de Miller. Une femme brisée qui va alors se laisser aller aux souvenirs de ces années 30 où elle fit la rencontre du génie. Là, on voit défiler l'éternel catalogue des nuits de dèche aux États-Unis, de la découverte de Paris, des débrouilles pour gagner son pain, de l’avénement progressif de l’écrivain, des rencontres marquantes, etc. Mais pour cette fois, c'est sur le personnage féminin qu'on se concentre : June, pour nourrir son petit génie de mari, se vend au plus offrant, jongle avec sa fierté et la morale. Et Miller progresse, avec son aide. Malgré les hésitations (le joli passage de l'amour de June pour une foldingue bohème de passage, Jane, qui l'emmènera à Paris), elle sera restée jusqu'au bout dans l'admiration de Miller, dans l'amour, dans la volonté de le voir réussir. Peu à peu se dessine le portrait d'une femme libre et intrépide, amoureuse et flamboyante, loin de la manipulatrice qu'on peut voir dans La Crucifixion en rose, loin de la furie qu'on devine dans les Tropiques. Le passage central, qui décrit la relation trouble entre June, Miller et Anaïs Nin, est très bien rendu dans les arcanes psychologiques qu'elle met en jeu. June est une autre façon de présenter Miller, qui reste un écrivain admirable pour de Boysson, mais qui ressort du livre moins innocent et parfait qu'il l'aurait voulu. Dans une écriture pas spectaculaire (pas mal de clichés littéraires dans cette prose un peu "vieille dame") mais efficace, voilà un joli récit digne sur un des grands mystères de la mythologie millerienne.

Commentaires
A
Emmanuelle de Boysson, la sœur de Debby ! Pas mal. J'ai toujours aimé ces devinettes-là, Monsieur et Madame Untel ont un fils ou une fille, j'en connais un paquet. Je vous en offre une : M. et Mme Bienfuffé ont un fils. Un indice : c'est un prénom qu'on connait grâce au cinéma.
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