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29 octobre 2022

Vortex de Gaspar Noé - 2021

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Gaspar Noé a tout de même un talent extraordinaire pour ne raconter strictement rien mais dans des formes spectaculaires qui en mettent plein les mirettes. On pourrait donc penser, au sortir de Vortex, qu'on a aimé le film ; mais point : c'est juste que le vieux briscard a réussi à vous embobiner dans son spectacle creux, à vous faire croire qu'il était profond à grands coups de plans-séquence et de plans tarabiscotés. En fait, c'est du vent. Y compris quand il s’attaque comme ici à un sujet grave, qui a donné un chef-d’œuvre chez Haneke : la lente déréliction d'un corps vieillissant face aux proches impuissants. Une femme (Françoise Lebrun) qui perd la tête sous les coups d’Alzheimer, son vieux mari lui-même pas en pleine forme qui tente de garder le cap (Dario Argento), le fils (Alex Lutz) qui jongle entre sa cure de désintox aux drogues et cette dramatique maladie, et allez, c'est parti pour un gros barnum de 2h30 filmant les errances de la dame, les affres du fiston, et le déni du mari. De regard sur la maladie, de discours sur l'incapacité à y faire face de la part des proches, point : c'est juste l'enregistrement du délitement d'une vie, d'un couple, d'une famille. Comme ça risque de paraître un peu court, Noé se charge de vous faire passer la chose en chargeant la mule, comme il sait le faire depuis toujours. Sa grande idée, modèle de lourdeur symbolique, c'est de filmer du début à la fin en split-screen : l'écran est partagé en deux pour nous faire comprendre que ces vies sont isolées même quand elles se côtoient (wouaouh), principe qu'on a compris au bout de 20 secondes d'effet, mais qui sera prolongé jusqu'au bout du bout des 150 minutes. Mais il ne se contente pas de ça : la mise en scène est une succession de plongées acrobatiques, de décadrages improbables et de zooms virtuoses pour nous faire passer le temps en attendant qu'on en arrive à la conclusion : avoir Alzheimer, eh ben c'est... pas facile, enfin, pour les proches... et puis pour le malade aussi hein... surtout quand on a un fils drogué... enfin, voilà.

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Il y a plus de compréhension de la violence de ce genre de situation dans un plan simple de Amour que dans tout Vortex. Cette insincérité, qui a toujours été désolante chez Noé, cinéaste qui utilise tous les sujets qui lui tombent sous la main pour les transformer en exercice pyrotechnique vain, devient pénible dès le début du film. Très agaçant de le voir ainsi s'occuper d'un sujet difficile auquel il ne comprend visiblement rien, mais qu'il filme en fier cinéaste à l'esbroufe sans scrupule. Pour ne pas trop charger la mule, notons quand même que le gars a un savoir-faire certain pour pondre, par-ci par-là, quelques plans frontaux vraiment intéressants. Ici, ce sont entre autres deux cadres pleine face sur des cadavres, plans enfin dérangeants, enfin pertinents, qui nous permettent enfin de regarder la mort dans toute sa crudité ; ou de belles variations entre un au-delà filmé dans une lumière blanche dans une moitié de l'écran et les ténèbres qui engloutissent les acteurs dans le cadre gauche. Notons aussi que Argento est plutôt pas mal du tout en acteur : son "altérité", sa mauvaise maîtrise du français, sa présence/absence font beaucoup pour le dessin de ce personnage de petit homme fatigué et dépassé. Il interprète un critique qui est en train d'écrire un livre sur les rapports entre cinéma et rêve, occasion d'un joli petit discours qui en dit long sur son propre cinéma à lui. Mais tout ça n'apparaît que fugacement dans l’énorme barnum baroque et boursouflé du film, qui ne semble exister que pour que les étudiants en cinéma hurlent au génie devant la grandeur de la mise en scène de Noé, alors qu'on ne leur présente qu'une virtuosité technique très vide.

vortex

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