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20 décembre 2022

After Blue (Paradis sale) (2022) de Bertrand Mandico

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Pendant que mon collègue se tape des chefs-d'oeuvre oubliés, je me tape des films pas mal, hein, mais sans non plus déclencher les viva de la foule. Nous voici donc face à la nouvelle œuvre (sa deuxième en format long si je ne m'abuse) de l'enfant terrible Mandico, une histoire, pour faire simple, de vengeance à la Tarantino dans un univers multicolore à la Dark Crystal. En résulte un film sauvage, aux dialogues toujours aussi originaux ("elle a égorgé son cheval sur de la musique pop", genre, ou encore "les hommes sont tous morts sur cette planète à cause de la prolifération de leurs poils intérieurs" - il n'y a que Mandico pour trousser de telles associations d'idées), un univers sensuel peuplé de créatures étranges, le tout teinté d'une poésie à la Cocteau, un Cocteau moderne, un peu trash, qui continuerait de vouloir jouer avec les miroirs, les faux-semblants, et les torticolis... Alors nous voila partis sur les traces d'une certaine Roxy et de sa mère (Elina Löwensohn, toujours un plaisir de la retrouver - from Hal to Bertrand) qui ont pour mission de tuer une tueuse sauvage qui répond au doux nom de Kate Bush (Katarzyna Buszowska à l'origine mais on sait bien que la Polonaise a une fâcheuse tendance à circoncire son nom). Elina est une pauvre coiffeuse pacifique qui n'a rien demandé mais elle doit payer pour une boulette de sa fille qui a malencontreusement sauvé Kate d'une mort certaine : elles ont été bannies du village et les voilà errantes dans un paysage de montagne et de mine où elles vont croiser d'étranges créatures... Chasse à la femme, mais également chasse aux plaisirs féminins puisque nos deux femmes ne sont pas au bout de leurs surprises en matière d'échanges érotiques... Vers un monde délivré des hommes qui vit en toute harmonie ? - eh bien pas forcément...

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Alors oui, on sait gré à Mandico de ne pas nous embringuer dans une histoire trop complexe qui nous perdrait en chemin et en conjonctures multiples. On peut ainsi se concentrer sur les différents personnages qui peuplent cet univers à la fois féérique et cauchemardesque avec toujours ces petits effets spéciaux à la main et ces filtres anti-daltoniens. On découvre ainsi des personnages pour le moins "chargés", hauts-en-couleurs comme cette blonde Kate au bras velu et avec son petit tatouage bleu sur le cœur : une créature sans pitié mais qui se laisse approcher par cette naïve Roxy ; on craque tout autant pour ce personnage charismatique nommé Sternberg à la voix androgyne et interprété par une toujours extraordinaire Vimala Pons : même dans ce monde totalement foutraque et délirant, elle parvient à donner du relief à cette femme tout en caractère. On avoue également avoir un faible pour ces créatures en forme de troncs troués, pour cet Olgar-2, un homme androïde aux sexes multiples ou encore pour ces cigarettes vivantes darkcrystaliennes à mort... On s'enfonce, on s'englue certes aussi un peu trop facilement dans ce scénario qui tourne un peu en rond, un peu long, en attendant patiemment une éventuelle conclusion (chronique d'un carnage annoncé ou simple récit d'un initiatique voyage salutaire ?) et on se dit tout du long que Mandico semble définitivement plus s'intéresser à la forme qu'au fond (ce en quoi il n'a pas forcément tort... encore eut-il fallu que le fond nous tienne un peu plus en haleine) ; on referme finalement ce récit fantaisiste, héroïque (pas d'anglicisme aujourd'hui) en se disant qu'on a passé un moment unique, certes, visuellement ébouriffant, dans une atmosphère musicale, viscérale même, allons-y gaiement, des plus particulières mais pas franchement non plus transcendantale... Un bon film de transition en attendant un peu plus de profondeur.   (Shang - 04/05/22)

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Un parfum de vieille science-fiction poétique à la Moebius, en effet, dans ce film singulier et bien barré, qui mélange donc aux motifs vintage et colorés du genre des inspirations toutes contemporaines : le féminisme, la fin du monde, la transsexualité. L'univers de Mandico est original, c'est le moins qu'on puisse dire, et très cohérent : à partir du moment où on accepte ces couleurs saturées, ce jeu décalé des comédiennes, ces outrances baroques et rococo, cette ambiance entre dandysme morbide et fraise Tagada, ces effets spéciaux faits main (et remarquable, on se croirait dans un vieux Fulci), on rentre sans problème dans le film, qui déploie une trame un peu westernienne avec pas mal de fluidité. C'est trop long, on est d'accord, il y a plein de défauts, mais le pire d'entre eux est évité : le film est d'une sincérité totale, fait sans aucune forfanterie ou crânerie, et on sent bien que l'incroyable monde ici présenté est issu directement des fantasmes d'un cinéaste qui met ses goûts à nu, aussi kitchs soient-ils. Cette authenticité fait tout le sel du bazar, qui dès lors peut envoyer très loin le bouchon du mauvais goût, de l'expérimental, de l'érotisme chic et de l’esthétique BD. Même si les comédiennes ne sont pas toujours justes (excepté la délicieuse Vimala Pons, l'étrange Elina Löwensohn, et l'inattendue Alexandra Stewart, que pour ma part je pensais décédée en 1987), les rouages du scénario sont parfois bien perchés, le côté visuel finit par bouffer un peu le fond et on fatigue un brin au bout de deux heures, oui. Mais on ne peut guère reprocher à Mandico de manquer de style, ce qui arrive si souvent aujourd'hui, et de ne pas le donner à voir avec une authenticité, une fièvre, une soif qui font chaud au cœur. A ce titre, Mandico est important, et son film passionnant.   (Gols - 20/12/22)

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