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7 janvier 2022

Les Aventuriers de l'Arche perdue (Raiders of the Lost Ark) de Steven Spielberg - 1981

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Les Bretons ont des chapeaux ronds, les Parisiens ont le Panthéon, et notre génération a eu Raiders of the Lost Ark. Spielberg peut diviser, je veux bien le reconnaître, y compris en ces vénérables colonnes, mais je crois que tout le monde s'accordera à dire que ce film est LE film d'aventures parfait, celui qui fait la jonction entre nos inspirations exotiques et bédé-esques enfantines et nos premiers goûts pour la bagarre et le fantastique, celui qui a su à cette époque nous rassasier plus qu'il ne faut en termes de fun, de spectacle, de sexy, d'humour et d'action. Qui osera émettre la moindre critique sur ce bijou, qu'on peut revoir aujourd'hui sans une once de nostalgie surannée ? C'est bien ça le plus fort : non seulement il a été la matrice de tous les films d'aventure à venir, mais encore il n'a pas pris une ride, se dressant toujours comme le meilleur film d'aventures moderne. Ceci juste avant que Spielberg invente le plus beau film merveilleux moderne (E.T.), moi je dis, quand même, chapeau un peu.

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Le gars mêle en un seul mouvement beaucoup d'inspirations à la mode à cette époque : le goût pour l'ésotérisme avec cette recherche de l'Arche ayant contenu les tablettes des dix commandements ; les clichés de la guerre, avec ces nazis aussi dangereux que ricanants, caricatures de "Boches" à courte vue ; la soif d'ailleurs, avec ces voyages exotiques aussi bien dans la jungle équatoriale que dans les montagnes du Népal ou dans les tombeaux égyptiens ; la volonté de fabriquer du blockbuster dans son acception la plus noble, c'est-à-dire du film roboratif qui en donne pour son argent au public, tout en restant exigeant et arty, tout en prolongeant un peu les attentes, en surprenant ; le goût pour la littérature d'aventure classique, de Burroughs à Ridder Haggard ; enfin un appétit pour la BD, ce film étant sûrement la réussite la plus éclatante de Spielberg sur les traces d'Hergé (et je dis ça en sachant qu'il a réalisé un Tintin) : dans les cadres, dans les personnages secondaires, dans la façon de diriger l'action à travers des plans longs, dans les détails de la trame pas avare en voyages dépaysants, on reconnaît l'inventeur de la ligne claire, et on retrouve presque trait pour trait quelques dessins de Tintin dans les cadres sophistiqués (mais discrets) du film. Spielberg mixe tout ça, y ajoute la crème de la crème des techniciens (la musique mythique de John Williams, les décors fabuleux de Norman Reynolds, la compétence de tous les acteurs), y met pas mal de sa patte personnelle héritée de ses films de requins ou de suspense, et le résultat tombe : deux heures de pur divertissement, où votre bouche béera plus souvent qu'à son tour devant les tours de magie du bon maître, qui sait toujours relancer l'action, la garder du côté humain, la doper par l'humour, l'amener toujours un peu plus loin que ce que vous attendiez.

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On ne connaît pas le secret de cette magie, c'est le propre de la magie. On peut peut-être aller le chercher du côté d'Harrison Ford, interprète parfait de ce petit mec ordinaire plongé dans le grand bain de la deuxième guerre et des dangers de ce monde : il se prend mandale sur mandale, essuie les pires échecs, tente d'improbables coups de bluffs et finit toujours par s'en tirer in extremis. Son obsession du passé, symbolisée par sa passion pour l'archéologie "extrême" fait de lui un petit intellectuel à lunettes, mais son courage, son adresse au fouet, son audace face au danger en font un grand homme d'action, l'équilibre est parfait. Mais le secret de cette éblouissante réussite tient peut-être et surtout au génie de Spielberg et à son sens du rythme incroyable : l'action , chez lui, est toujours plus que chez les autres. Et il ne se contente pas de découper paresseusement des minuscules bouts de pellicule et de les coller bout à bout : adepte du très long plan, il aime filmer dans le mouvement les épatantes scènes de bagarre (notamment la plus brillante d'entre elles, véritable ballet autour d'un convoi de camion, où Indiana Jones passe du volant à la calandre, de la colline avoisinante au toit en un seul mouvement). Chaque scène, même si elle constitue finalement un petit film à elle seule, s’enchaine avec une grâce totale sur la suivante, semblant en découler ; et si le film ressemble parfois à un jeu vidéo, avec son personnage qui a l'air de mourir à chaque fin de scène, avec son décor sans cesse renouvelé, avec sa série d'épreuves à accomplir avant de passer au plateau suivant, s'il est en quelque sorte précurseur de l'esthétique des jeux de ces années-là, on n'a jamais pour autant l'impression d'un type qui joue sans nous : la complicité avec le public, les appels du pied comiques et les clins d’œil formels sont légion, et on est complètement impliqués dans la trame. Le tout est chargé d'humanité, jamais Spielberg ne filme des robots, et Jones a le temps, entre deux cascades, de renouer avec un amour ancien, de constituer de solides amitiés, ou de croiser quelques solides méchants campés avec un sens de l'humour impeccable. Bon, n'y allons pas par quatre chemins, je sens que tout le monde est d'accord de toute façon : Raiders of the Lost Ark est une merveille, et puis voilà.

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