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Shangols
REALISATEURS
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20 janvier 2022

Le Genou d'Ahed (Ha'berech) de Nadav Lapid - 2021

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S'il y en a un qu'il sera difficile d'attraper en pleine fadeur, c'est bien Nadav Lapid : il nous offre aujourd'hui un nouveau film tout feu tout flamme, qui cultive un style tout en n'importe quoi et en triples lutz. Je ne vous garantis pas que votre siège restera immaculé de toute trace de vomis, tant le film cherche à vous en mettre plein la vue et à vous étourdir façon grand-huit ; mais je vous garantis en tout cas que Le Genou d'Ahed ne vous laissera pas indifférent, ce qui est déjà pas mal. Lapid traite le cinéma comme un exercice de haute voltige : son ton intrépide et somme toute très courageux compte tenu du contexte de ses tournages, il le traduit par mille et une convulsions de mise en scène dont seulement 1 sur 5 est pertinente et utile au propos. Tant pis : il importe de nous éblouir coûte que coûte, et si on eut préférer un cinéma plus posé, on peut aussi rigoler devant cette démonstration. On peut donc voir au cours de cet éprouvant voyage la caméra se balader dans tous les sens, se riant des lois de la gravité, le son exploser à vos oreilles façon bombe même quand un type se gratte le cou, le flou devenir une figure de style, ou le décadrage s'imposer comme un incontournable. La plupart du temps, c'est inutile et on se dit qu'un pied de caméra ne coûte pas non plus une fortune, ou qu'un simple tuto sur Youtube vous apprendra comment fonctionnent les boutons de votre DV. Un exemple parmi d'autres : lors d'un voyage en voiture, Lapid se dit : tiens, je vais pas couper pendant ce dialogue, et je vais montrer à la fois les deux personnages et le paysage ; et vas-y donc que la caméra bouge dans tous les sens, cadrant parfois à l'envers, opérant des panoramiques impossibles pour parvenir à cette fin. A la fin, un œil perdu et les cheveux ébouriffés, on n'a qu'une réaction : Woooou... mais pourquoi faire ? De temps en temps, je ne dis pas, la réalisation hystérique touche juste : ce sont par exemple les séquences dansées et chantées, magnifiques, ou cette façon de filmer le désert comme un paysage mouvant, sur lequel il est impossible de faire le point. Mais souvent on est en plein désarroi vis-à-vis de ces choix.

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Cette sur-stylisaton de chaque instant (pas ou très peu de plans "normaux", cadrés dans l'axe, filmés simplement) empêche d'aimer complètement le film. Trop d'esbroufe, trop de flafla, trop de m'as-tu-vuisme. Et c'est bien dommage, parce que le film, dans son fond, est bien plus intéressant que ce que cette mise en scène adolescente affiche. C'est l'histoire d'un cinéaste, Y., invité dans le fin fond du désert d'Israël pour y projeter un de ses films et rencontrer le public. Accueilli sur place par la troublante et ambiguë Yahalom, employée du ministère, il se voit contraint de signer un formulaire mentionnent l'objet de la soirée, le sujet qu'il va aborder, etc. Une manière de s'assurer que le discours sera politiquement correct et de bâillonner gentiment notre cinéaste. Au bout de la journée qui précède, au cours de laquelle il se livre à une errance un peu hébétée dans le désert, filmant ce qu'il voit pour sa mère qu'on imagine mourante, la soirée de rencontre virera au scandale : rempli d'une colère inarrêtable, Y. réglera ses comptes avec ce pays, l'art, la censure, le cinéma, Yahalom, le public. Encore une fois, après Synonymes, Lapid met les pieds dans le plat avec audace, et réalise un film aberrant pour ses concitoyens. La fureur de la dernière bobine, porté par cet acteur inquiétant et borderline (Avshalom Pollak) est vraiment fascinante : c'est comme si la tension, induite par cette mise en scène hystérique du début à la fin, trouvait ici son point d'achèvement, dans cette soirée qui constitue à la fois un abandon et un acte de rébellion pour le cinéaste. A l'heure où il est en train de préparer son prochain film (sur une jeune adolescente palestinienne qui a fait de la prison pour avoir giflé un soldat israélien), le gars décide que ça suffit, que son pays est une monstruosité, et qu'il ne peut plus se taire. En tout cas, le film, survolté, épidermique, se ressent de cette indignation, elle le fait même avancer... si bien qu'on revoit à la hausse ce style éruptif et qu'on se dit que c'était peut-être une bonne idée finalement. C'est sur cette critique normande que je vous laisse, face à ce film mal aimable et violent, remuant et hargneux que je vous suggère d'aller voir pour vous faire une opinion. (Gols 06/10/21)

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Je pensais que l'ami Gols avait eu la main un peu lourde sur le style parfois un peu "démonstratif" de Lapid et je me rends compte après avoir vu la chose qu'il a presque été un peu indulgent... Oui, ces mouvements de caméra dans tous les sens ne servent pas à grand-chose : ils n'inventent ni un style, ni ne servent la scène en question puisqu'ils en troublent souvent totalement le contenu ; mais cette démonstration technique de petit malin se double ici d'un jeu d'acteur(s) tout aussi lourdingue : qu'il s'agisse de ce personnage principal l'écume aux lèvres et le regard vicieusement trainard sur tout ce qui porte jupons ou encore de cette séquence de soldats israéliens en mode fin du monde solidaires, on a l'impression là aussi que le gars Lapid (le côté turpide de onomastique, sûrement) ne peut se contenter, quoiqu'il fasse, d'un petit jet de pierre : il faut que sa démonstration, dans les mouvements de caméra, dans le jeu grossier des personnages mâles en particulier (et je passe sur cette horde familiale en toute fin) et dans ce discours où il conchie Israël (qui n'est pas le pays des droits de l'homme ni de la liberté artistique : nous voilà pour le moins surpris), soit avant tout grandiloquente, surlignée, massive... On ne s'attache pas vraiment à ce personnage d'artiste quelque peu imbu de lui-même qui aimerait à jouer les Don Quichotte en son propre pays, et même si son combat part d'un bon sentiment, le peu de finesse, l'hypocrisie (l'enregistrement à l'issue de cette pauvrette du ministère) qu'il met pour régler ses comptes ne vont pas franchement en sa faveur... L'homme, soudainement, dans un ultime sursaut d'humanité, ravale sa colère et laisse ses pleurs sortir, décide, plutôt que le combat (direct ou indirect) contre cet État un tantinet sectaire de fuir et le film laisse cette vague impression d'un gros coup de sang pour l'esbroufe. On ne conteste point les bonnes intentions de Lapid sur cette action, juste des moyens et des propos en mode bazooka qui finissent par rater quelque peu sa cible... J'en attendais beaucoup, le truc m'a pas vraiment pété le genou...   (Shang 20/01/22)

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