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25 juin 2021

La Bande des Quatre de Jacques Rivette - 1988

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Un petit tour dans le cinéma exigeant et ludique de Rivette, à intervalles réguliers, ça peut faire du bien par où ça passe. Même s'il réalise toujours peu ou prou le même film. En tout cas, ce nouvel opus se déroule une nouvelle fois dans les milieux du théâtre, il y est une nouvelle fois question de secte complotiste et de peinture, il y a à nouveau Bulle Ogier et ça dure une nouvelle fois des heures. La différence notable tient dans son casting, constitué d'une bonne part de la jeunesse féminine de l'époque : Rivette pose sa caméra dans un cour de théâtre animé par la mystérieuse Constance Dumas (Ogier) pour y filmer les répétitions laborieuses de ces demoiselles, Laurence Côte, Inès d'Almeida, Nathalie Richard ou Irène Jacob entre autres. En dehors de ces répétitions, on est invité à partager l'intimité des mêmes jeunes filles, en tout cas de quatre d'entre elles ayant monté une colocation. Ces quatre filles vont être confrontées à un mystère : quel est l'identité du nouvel amoureux de leur copine Cécile ? Ne serait-ce pas un petit voyou interlope se livrant à des activités réprouvées par la loi ? Est-elle en danger ? Le mystère s'épaissit quand un homme étrange, aux personnalités changeantes (Benoît Régent, génial) cherche à infiltrer leur groupe : est-il ce flic à la recherche d'un tableau volé ("La Belle Noiseuse", comme par hasard), comme il le prétend ? Ou son comportement imprévisible cache-t-il d'autres buts ? Ces quatre caractères, si différents et en même temps si solidaires, vont se regrouper plus que jamais pour tenter de résoudre cette énigme digne d'un bouquin de la Bibliothèque Verte...

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C'est encore une fois chargé de sentiments contraires qu'on quitte la projection : à la fois en totale liberté et d'une rigueur formelle janséniste, à la fois léger et sophistiqué, à la fois simple dans son dessin et énigmatique dans ses intentions, racontant une histoire presque policière mais en laissant des trous béants dans sa trame, Rivette joue avec tout ce qui lui tombe sous les yeux, transforme tout en matière cinématographique. Les milieux choisis sont parfaits pour laisser libre cours aux contradictions du cinéaste : la salle de théâtre, longuement filmée, est le lieu de l’exigence, de l'ordre, et sous la férule de cette Constance, nos jeunes filles apprennent la rigueur, l'ordre, la discipline ; la maîtresse des lieux, sévère et intransigeante même pour les questions d'argent, représente peut-être la dureté du métier et de la vie que ces filles ont choisi d'éprouver. A l'inverse, leur vie privée est un foutoir, où passent les amours, les soirées alcoolisées, les disputes, les conversations anodines. Rivette filme les deux endroits avec une égale passion, et c'est très beau de voir le déjà vieux cinéaste jeter un œil sur cette jeunesse pas si légère que ça, à la fois fasciné et moqueur, mélancolique et sévère.

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Surtout c'est peut-être bien à une réflexion sur le mensonge que nous invite le compère : ce qui se passe sur scène est une recherche éperdue de la vérité, ce qui se passe dans la vie (surtout avec la présence de cet imposteur incarné par Régent) est une suite de mensonges et de dissimulation. De là à conclure que l'art est plus vrai que la vie, il n'y a qu'un pas, et Rivette le franchit allègrement avec sa déclaration d'amour éperdue au théâtre (et au cinéma par la bande). Le film pulvérise ses conventions de départ, assez corsetées, pour nous projeter dans un hors-champ infini : ce qu'on ne voit pas est peut-être plus important que ce qu'on voit, l'univers du film est un univers de fantasmes, de possibles, où mille fictions trouvent des débuts de piste sans dénouement. En tout cas, on passe les 160 minutes passionné par ces gamines qui apprennent la vie, qui enquêtent, qui jouent, surtout qu'elles sont merveilleusement campées par une bande d'actrices parfaitement dirigées (Côte particulièrement). Cérébral, oui, mais fun itou.

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