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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
11 janvier 2021

Limite (1931) de Mario Peixoto

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Limite, véritable poème cinématographique que l’on doit à un jeune réalisateur brésilien, est une œuvre puzzle dans laquelle on a d’autre choix que de se laisser porter. Deux femmes et un homme sont dans un bateau : pourquoi ? qui tombera à l’eau ? est-ce vraiment nécessaire finalement de le savoir ? Ils dérivent, comme des âmes en peine, et des flash-back interviennent pour tenter de dresser une image de leur passé : l’une d’elle s’est échappée de prison et semble vouloir fuir les personnes à ses trousses,  l’autre femme semble avoir broyé du noir auprès de son compagnon, quant à l’homme il semble être mêlé à une sorte d’imbroglio à base de tromperies et de femme atteinte par la lèpre… On n’en saura guère plus, découvrant ces morceaux de vie de façon souvent un brin énigmatique, Peixoto laissant les images parlaient par elle-même en limitant au maximum les cartons (cinq à tout casser)… car là encore, l’essentiel serait ailleurs ? Alors où, me direz-vous, fi de ces allusions, nom de nom !

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Eh bien il est tout bonnement dans le style filmique de l’ami Peixoto, dans sa science du montage et dans l’utilisation systématique de musique classique (de Ravel à Satie en passant par Debussy ou Stravinski), musique qui apporte une atmosphère troublante, menaçante, tendue dans cette œuvre où l’on ne sait trop finalement quelle est la menace et d’où elle vient. Peixoto a une fâcheuse tendance à filmer en priorité les individus sans montrer forcément leur tête (qui est-ce ?) ce qui renforce cette impression de manque de repère, comme si ces individus étaient plus des corps errants que des êtres à part entière. Ensuite, le cinéaste passe des plombes à filmer en gros plan des objets qui se trouvent dans l’entourage des personnages, comme si ces objets étaient mis à la même échelle que ces individus tout entier absorbés dans leur tâche. Enfin, et c’est là qu’il faut nom de dieu se montrer diablement patient, Peixoto se fait un devoir de filmer les cieux, la nature, des végétaux, la mer, un environnant souvent agité, menaçant, perturbé comme si ces passages venaient surtout traduire les états d’âme de ces trois individus particulier ou encore leur obsession, leur tourment. Ces images ne cessent d’intervenir au sein du récit le « plombant » totalement en un sens mais participant également à ce sentiment d’œuvre « totale » : ces images d’une nature en perpétuel mouvement, ou simple observatrice muette  illustrent magistralement cette sorte de tension permanente au sein de nos individus en fuite, sous le choc d’un événement passé, ou encore totalement perdus dans ce vaste océan dans lequel ils devraient fatalement finir par être engloutis (vu leur peu d’engouement à manœuvrer cette barque – qui prend l’eau, tiens). Au final une œuvre, comme dirait Gols, exigeante, (traduire par un peu chiante) mais qui emmène le spectateur, pour peu qu’il aime à se laisser porter sans chercher la logique dans toute chose, dans un voyage mental absolument bouleversant visuellement parlant. Une expérience qui vaut franchement le détour, cette petite chose moderne et originale fêtant tout juste ces 90 printemps.

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