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23 novembre 2020

Autant en emporte le Vent (Gone with the Wind) de Victor Fleming (et Sam Wood et George Cukor) - 1939

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Une bonne grosse fresque bien chargée comme on n'en fait plus, je me suis dit que c'était peut-être le moment, d'autant que celle-ci est menacée de disparition sous les coups de buttoir des révisionnistes de tout poil. Voici donc notre brave Mâme Sca'lett O'Hara prise dans les rets de la guerre de Sécession, et se battant front en avant contre les attaques faites envers sa riche propriété bourgeoise, qu'elle conservera envers et contre tout. Nous sommes à un tournant de l'histoire de l'Amérique, et les bonnes vieilles convictions sudistes pro-esclavage (partagées visiblement par l'auteur du roman et peut-être même par Fleming, tant il met de gaieté à les décrire) sont mises à mal par Lincoln et sa clique (représentés comme une menace constante contre l'ordre établi, comme un paquet de gueux sans morale pilonnant le pauvre Sud). La famille O'Hara, riche et satisfaite, est implantée dans la région, et la jeune Scarlett va traverser ces conflits en rattrapant à l'arrache tout ce qui lui échappe : ses biens, ses parents, ses maris, son honneur, ses serviteurs noirs, louvoyant ainsi à vue et sans être trop regardante sur les moyens afin de conserver l'esprit du Sud et sa dignité. Tout au long du film, elle gardera intact son amour pour le beau (et fade) Ashley, que sa voisine a épousé, et ce malgré les attaques sentimentales du viril Rhett Butler, mercenaire raide dingue de la belle. Le film se partage ainsi entre moments de bravoure et moments de mélodrame pur, pour quatre heures de métrage animées et remplies de romance.

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Quatre heures dont deux au moins sont ratées... La première heure, description du paradis sur terre qu'est la Géorgie en 1860, est assez insupportable : oublions le regard angéliste sur l'esclavage, avec tous ces noirs hilares et concons très contents de trimer dans les champs de coton et de servir leurs maîtres, le film est de 1939, on ne va pas lui demander d'être anti-raciste. C'est plutôt dans le portrait de cette communauté de jeunes filles en fleurs que le film agace : Scarlett (Vivien Leigh) virevolte au milieu de ses prétendants, brillant de mille feux dans ses robes à crinoline colorées, le film est saturé de couleurs chaudes et de jolis paysages paisibles, et ce surplus de sucre allié à l'hystérie phallocrate liée au genre féminin finit par provoquer quelques haut-le-cœur. Scarlett est très antipathique, mais ce que le film lui oppose, des grenouilles de bénitier frigides (le modèle de morale : Melanie, interprétée plus subtilement par Olivia de Havilland) est tout aussi détestable. Bref, la première heure est presque insupportable, et on se dit qu'on se prépare à une vraie purge. De même la dernière heure, qui se vautre dans le mélo pur avec toutes ces morts qui s'enchaînent, ces dialogues neuneu entre Reth et Scarlett, ces relations qui n'en finissent pas de finir, cet appareillage psychologique à la Cartland posé subitement sur un film par ailleurs tourné vers l'action, plombent complètement la chose. On s'enfonce dans un ennui profond, navré de voir le personnage un peu plus punk de l'histoire, Rhett Butler (Clark Gable, dans ses pantoufles) devenir aussi plat. On le voit même offrir un poney à sa fille, c'est dire. Il faudra la fameuse réplique finale ("Frankly, my dear, I don't give a damn") pour lui faire retrouver un peu de caractère.

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Il reste les deux heures centrales pour nous convaincre, et c'est vrai qu'elles sont un peu mieux. Fleming lâche un peu les chiens dans cette partie-là, consacrée à la guerre. Bon, c'est une guerre très lissée, hein, on ne verra guère de sang, sauf dans un plan très fugitif sur un soldat qui se prend une balle dans le visage. Mais tout de même, le spectacle est envoyé, les figurants de sortie, les toiles de fond de cieux orangés déployés, les chevaux toute crinière dehors, dans cette partie. Très agitée, Scarlett se bat contre l'adversité, traversant notamment l'incendie d'Atlanta très joliment rendu, ou se promenant au milieu de milliers de blessés dans le (seul ?) plus beau plan du film, une plongée vertigineuse sur une place, drapeau au premier plan et 10000 figurants agonisants derrière. C'est le plus beau moment : la caméra délaisse pour un instant les aventures nombrilistes de Scarlett pour relever la tête et constater que la guerre, ça fait des morts. On apprécie aussi les ambiances à Tara, la propriété jadis florissante, rendue à l'état de ruines, et où survivent désormais nos héros, jonglant avec les arnaques pour récupérer quelques dollars. Fleming n'est vraiment pas l'homme de la situation, aucun regard de metteur en scène, trop de contraintes de production pour qu'il puisse trouver quoi que ce soit à exprimer, le film reste très transparent et fade, mais tout de même : dans ces deux heures-là, il trouve de temps en temps quelques jolis plans tout en puissance. Autant en emporte le vent est avant tout un film de producteur : Selznick met les moyens (chaque plan pue le fric), et entend bien faire du grand public qui ne choquera personne. Il choisit donc les techniciens les plus serviles et anonymes qu'il pourra trouver et envoie les watts. Musique grandiloquente (et omniprésente, c'est fatigant), costumes et décors mirobolants, acteurs-stars, mise en scène lisse au service d'un scénario sur-écrit, personnages dessinés à grands traits, photo en couleurs primaires, bref de quoi en donner pour leur argent aux spectateurs de 1939 angoissés par la guerre qui s'approchait. Le résultat, malgré tout, est là : Autant en emporte le Vent est objectivement assez chiant et complètement transparent...

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