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Shangols
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23 novembre 2020

La Guerre des Espions (Ibun Sarutobi Sasuke) (1965) de Masahiro Shinoda

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On passe en revue ces grands films de samouraïs (mâtinés ici d'espionnage, je ne vous apprends rien) des sixties réalisés par des nippons point manchotS : cette fois-ci c'est Masahiro Shinoda qui est aux manettes et qui nous livre une œuvre stylisée à mort ; un noir et blanc qui donne au sang la couleur des ténèbres, un sens du cadre absolument mirobolant, sur chaque plan, une utilisation du ralenti à se pâmer, un jeu sur les silences absolument fantastique (les ninjas sur les toits tels des chats noirs se glissant la nuit dans les gouttières...), une musique d'ambiance au taquet... Bref, c'est un régal et ce même si, sans vouloir faire mon Gols, on comprend nib au scénar. Alors oui, dans ces cas-là, il est de bon ton de dire que l'histoire, hein, eheh, on s'en fout, que l'intérêt d'un film est forcément ailleurs, etc etc... L’envie de botter en touche, tel un Ecossais maladroit en fin de match, est forte... On pourrait même aller jusqu'à une certaine mauvaise foi (ce qui n'est pas notre genre) pour évoquer la chose : le spectateur, comme le héros principal, est totalement perdu dans un récit ou tout le monde espionne pour le compte de tout le monde, ou tout le monde trahit tout le monde… Shinoda, en fait, a absolument tout fait, à l'image de ces splendides paysages dans le brouillard, pour nous mettre sur un pied d'égalité avec Sasuke Sarutobi : il ne faut se fier à personne, le danger peut venir de toute part, bref, il ne sert à rien de calculer ; l'essentiel est de rester sur ses gardes et de constamment être en mouvement pour ne pas se faire surprendre... Prenant d'entrée de jeu cette option (on sent bien qu'il y a une logique à la chose dans ces multiples clans qui se tirent la bourre, mais on se dit aussi qu'on s'en fout un peu, hein, en fait), on peut véritablement prendre plaisir à la vision de ce film, plaçant toute notre confiance dans ce héros qui fera toujours, le temps venu, les bons choix... Ce samouraï, au centre de toutes les attentions et des trahisons, tentera en toute occasion de suivre son instinct et de déglinguer toute personne effrontément malveillante - autant dire que ça va charcler dans ce Japon du début du XVIIème où les enfoirés pullulent...

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Esthétiquement, disions-nous, c'est un régal, notamment au niveau des combats : on est dans un certain minimaliste (un coup de sabre, un ennemi qui râle et s'écroule) avec une utilisation judicieuse des ralentis (comme si tout se jouait au millimètre) et des sauts en l'air (bien étonnant que les Japonais n'aient jamais briller au saut en hauteur aux Jeux Olympiques - vu leur détente, cela reste un mystère) ; on apprécie tout particulièrement ces mouvements de ninja qui prennent d'assaut les toits et observent, incognito, tels des poulpes terrestres leur proie ; ces mouvements tout en douceur et en fulgurance sont absolument magnifiques. Mais on aime aussi, ces liens que l'ami Sasuke Sarutobi parvient à créer avec des combattants rencontrés on the road ou avec de bien jolies jeunes femmes ; il inspire la confiance, a vite tendance à prendre les gens sous son aile mais semble malheureusement un poil maudit : dès qu'il les quitte deux minutes, il les retrouve avec un méchant trou dans l'os frontal (la science du lancer d'étoile des ninjas...). Il se rend vite compte qu'il est entouré d'ordures capables de sacrifier le moindre quidam pour arriver à ses fins : ce monde d'espions n'a guère de déontologie, ma foi, et Sasuke Sarutobi semble incarné à lui seul une certaine droiture, pour ne pas dire un sens évident de la fidélité... Il devra forcément se débarrasser d'un nombre record d'individus pour avoir la paix... Pourra-t-il, et ce sera la question sur laquelle je vous laisserai lâchement, compter lui aussi, finalement, sur un compère ou est-il destiné à finir mal dans ce monde de bruts ? C'est tout le suspense de la chose, même si l'essentiel demeure sûrement dans cette constante recherche visuelle de Shinoda pour nous tenir éveillé et en alerte et ce malgré une intrigue diablement retorse. Samouraï Spy, in English, ça rime quand même diablement joliment.

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Films nippons

Collection Criterion

Commentaires
C
(Spoilers)<br /> <br /> <br /> <br /> Merci mille fois d'avoir chroniqué ce film, on l'a vu ce weekend et c'est magnifique, en effet. Visuellement, vous en avez parlé. Mais dans le contenu c'est passionnant aussi : ce n'est pas tout à fait vrai que tout le monde trahit tout le monde, il y a Matsuhira, le copain sans scrupule, qui est un agent double, et le fameux Tateyaki (sauf erreur sur le nom), mystérieux personnage dont on nous dit qu'il change de camp et enfin Sakon, un espion de l'Ouest, Nojiri un espion de l'Est. Les autres, notamment le héros sont fidèles, tout au moins à des principes, quand ils les trouvent (le héros finit par comprendre qu'il est avant tout de son devoir de protéger les trois hommes de la même famille et ne participera sans doute pas à la bataille à venir entre les deux camps). (Du coup, pas de cynisme débile à la Sergio Leone)<br /> <br /> <br /> <br /> Et politiquement, je pense qu'il y a quelque chose aussi : les personnages parlent tout le temps d'Ouest, d'Est, d'espionnage... avec des clans alliés, des traîtres, ça sent bien la Guerre froide, non ? Le film les renvoie dos à dos, symétriquement, aucun des camps ne semble plus moral que l'autre et ils utilisent les mêmes méthodes. Que fera le héros ? Trouver une fidélité à des principes plutôt qu'à un maître (aveuglément) et refuser les deux. Bref, un non-aligné comme on disait à l'époque ?<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai aussi vu Assassinat et c'est génial aussi. Arriver à mêler espionnage, aventures et politique ainsi, c'est une leçon que beaucoup de films devraient tirer.
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