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11 novembre 2020

LIVRE : La Rivière en hiver (For a little while) de Rick Bass - 2016

9782267032581-475x500-1Depuis que les grands écrivains de la nature américaine nous ont quitté sans rémission, que reste-t-il à se mettre sous le dent de ce côté-là ? Pas grand-chose si vous voulez mon avis. Même si Rick Bass ne démérite aucunement en héritier de Harrison ou Hemingway, son recueil de nouvelles a de la peine à se hisser à la hauteur de ces statues de marbre malgré le plaisir. Il coche pourtant soigneusement toutes les cases pour faire partie du club : grandes étendues enneigées, animaux sauvages, personnages mutiques, alcooliques et losers, ténuité de la trame, épure de l'écriture, rien à dire, le gusse ne s'épargne pas. Quelques-uns de ces 8 textes sont même très réussis, comme "Guide du Pérou et du Chili à l'usage d'un alcoolique", superbe balade en décrépitude d'un père qui sent que tout lui échappe et qui décide de claquer ses derniers dollars pour un voyage en Amérique du Sud en compagnie de ses deux filles : une symphonie de la perte, de l'abandon, qui se double d'une splendide variation sur les paysages et d'un très beau portrait d'homme ; ou "L'arbre bleu", étonnant récit d'un soir de Noël où un gars se perd dans la nature avec ses enfants, là aussi puissante nouvelle sur l'héritage d'un père, sur la beauté et les dangers du monde si familier qui nous entoure ; ou encore "Histoire de poisson", texte très cruel sur les menaces de la communauté autour de la lente agonie d'un poisson-chat (ses cris quand on l'écorche, brrr). Bass connaît les territoires dans lesquels il pose ses personnages, sait les beautés d'une notation météorologique ou d'un puma tapi dans l'ombre, connaît les minuscules secrets enfoui dans un arbre ou dans le cœur des hommes, et on ne peut que le respecter pour ça.

Mais malgré ça, La Rivière en hiver est tellement rempli de dévotion envers ses aînés, surtout Hemingway, qu'il finit par devenir un "à la manière de" un peu appliqué. Les nouvelles purement contemplatives que sont "Elan" ou "Ce dont elle se souvient", à la trame fluctuante et mal montée, vous ensevelissent sous une poésie "virile" trop laborieuse ; d'autant que l'écriture n'est pas toujours adroite, certaines phrases achoppent (j'ai dû relire une ou deux sentences un poil solennelles plusieurs fois avant d'en comprendre (ou non...) le sens), le rythme est souvent dans les baskets. A moins que ce ne soit la faute de la traduction, mais peut-on vraiment soupçonner le grand Brice Matthieussent du moindre laisser-aller ? Contrairement à ses modèles, Bass ennuie plus souvent qu'à son tour avec ses textes très dans l'observation de la nature, ceux où il oublie tout récit pour se livrer à une écriture plus poétique, plus "pastorale", plus métaphysique. Mi-figue mi-raisin donc face à ce livre parfois très beau, parfois chiant, parfois superbement envoyé, parfois maladroit.

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