Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
1 juin 2020

Harmonium (Fuchi ni tatsu) de Kōji Fukada - 2017

ouv-harmonium

Jolie découverte que ce film à la frontière du fantastique, qui fait mine de raconter la chronique d'une famille brisée mais qui en fait fait brillamment ressusciter les fantômes qu'on aime tant, chez Kiyoshi Kurosawa par exemple. Fukada est résolument sur les traces du maître avec Harmonium, à cheval entre la fausse quiétude de Tokyo Sonata et la terreur sans bruit de Séance. Il nous sert en tout cas un film surprenant, pas parfait sans doute mais qui nous embarque dans sa trame diabolique assez sûrement pour nous faire oublier les petits défauts, notamment dans le dessin des personnages ou dans les détails de sa trame. La première heure est même franchement excellente. Nous sommes dans une famille japonaise classique : un mari taiseux, artisan dans une micro-entreprise de métallurgie ; sa femme croyante entièrement consacrée au bien-être de sa fillette ; et la fille, donc, qui prend des cours d'harmonium. Tout va bien, fors une certaine lassitude, un petit train-train qui travaille le couple. Débarque alors un ancien ami de Toshio, personnage étrange filmé constamment comme une apparition fantomatique : posture raide, costume blanc, sourire énigmatique, amabilité trop affichée pour être honnête. Il va être l'élément perturbateur, l'ange à la Théorème de cette famille banale. Peu à peu, il va devenir indispensable à cette famille, en aidant la petite dans sa maîtrise de l'harmonium, en séduisant patiemment la mère, en gardant auprès du père le secret qu'ils partagent. Jusqu'à ce que, à la moitié du film, survienne THE événement qu'il serait cruel de dévoiler. Ensuite, il disparaît, comme chez Pasolini, et sa recherche va devenir le moteur du film, à travers un jeune apprenti qui vient le remplacer - difficile d'en dire plus sans gâcher la surprise.

maxresdefault

Si on réfléchit deux secondes, rien n'est vraiment crédible dans cette histoire. Elle a plutôt les apparences d'un conte effrayant pour enfants, d'une histoire d'ogre, et ne s'embarasse pas de logique. Mais le grand talent de Fukada est de nous faire oublier les flous de la trame et de la psychologie des personnages en usant d'une mise en scène parfaite et d'une construction intelligente de sa trame. Beaucoup de plans fixes, disposés dans une lumière étrange, pour augmenter l'effet fantastique ; des dialogues à l'épure, laissant les choses advenir sans éprouver le besoin de les expliquer ou de les souligner ; un jeu (parfait) des acteurs, notamment du mystérieux Tatanobu Asano, déjà vu, tiens tiens, chez Kurosawa ; un goût marqué pour l'ellipse, qui lui permet de balancer quelques vigoureux coups de théâtre dans son scénario : une mise en scène vraiment spectaculaire sans esclandre, efficace sans roublardise, pertinente et sensible. Le film, peut-être un peu long, se tire avec brio de ce scénario à tiroirs, par la seule vertu de ses cadres rigoureux et de son ton étrange, macabre et drôle à la fois (un côté pince-sans-rire intrigant). Fukada, à travers sa fable parfois un peu mécanique, veut sans doute dire un peu plus que le désarroi de cette famille : quelque chose sur la violence intrinsèque du Japon, sur ses tendances à la culpabilité, sur la brutalité cachée sous les apparences lisses de sa société hygiéniste. Très bonne surprise.

harmonium-de-koji-fukada-avec-kanji-furutachi-tadanobu-asano-mariko-tsutsui_5775331

Commentaires
Derniers commentaires