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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
19 mars 2020

Entretien entre Serge Daney et Jean-Luc Godard de Jean-Luc Godard - 1988

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C'est bien notre JLG l'auteur de ce film, puisqu'il a lui-même mis en place LE cadre, l'unique, le seul, de cet entretien : le maître, de profil,  en amorce, fumant des gros cigares à la chaîne ; son interlocuteur en pleine face au milieu de l'écran ; et le fouillis de la pièce, entre dossiers et machines diverses (dont une télé allumée balançant émissions de variétés et matchs sportifs dans un désordre (peut-être) réfléchi). Le sujet de cette interview : les Histoire(s) du cinéma que Godard est en train de réaliser, et qui intéresse bien sûr grandement l'immense théoricien qu'est Daney. L'occasion d'interroger le vénérable Helvète sur ses intentions, sur la mort du cinéma, sur les rapports entre cinéma et télévision, sur la définition de l'Image, enfin autant de thèmes qui passionnent Godard depuis toujours. Et c'est passionnant. D'abord parce, des deux, c'est Daney le plus percutant, qui parvient à poser des questions très pertinentes à Godard. Prenant mille circonvolutions pour en arriver au point central, il conclue chacun de ses monologues par une question qui semble à elle seule résumer tout le projet de JLG pour ses Histoire(s) : est-ce un acte de transmission aux générations futures ou plutôt une élégie personnelle sur la mort d'un monde ? quels sont les rapports entre l'image et l'image filmée ? la télé a-t-elle un rapport avec le cinéma ? comment Godard parvient-il à assembler le matériau pléthorique de ses connaissances pour en faire quelque chose de cohérent ? Et autres questions tout aussi renversantes, qui prouvent que Daney, avant même d'avoir vu le film fini, est sur la même longueur d'ondes que JLG, sur les mêmes réflexions, voire même l'a aidé dans l'avancée du projet.

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En face, Godard godardise à tout va : sybillin, obscur, il balance quelques vérités et quelques références en roue libre devant l'air désabusé et respectueux de Daney. On a rarement eu comme ici, sur deux heures de temps, une telle sensation d'une pensée en marche : le cerveau de Godard fonctionne très vite, si bien qu'il ne prend pas le temps de finir la phrase précédente avant qu'une autre jaillisse dans son esprit. Il en résulte un discours haché, compliqué, passant d'une idée à une autre, ne répondant la plupart du temps jamais aux questions posées, en cercle fermé autour de ses références. Assez touchant finalement, de voir que le gars, s'il est un grand penseur, s'il est un brillant théoricien du cinéma, s'il est un artiste génial, est un aussi piètre maître d'éloquence, échouant la plupart du temps à énoncer la pensée qui le tarabustait. D'autant qu'il est souvent interrompu par le cameraman qui lui indique les temps de bobines. C'est un penseur infatigable, et un jouisseur des mots et de la pensée ; si bien qu'il coupe à qui mieux mieux Daney, interrompant la logique de sa pensée, rectifiant comme pour jouer un mot ou un truc qui lui semble impropre. Ça agace un peu le gars, qui lui suggère de faire lui-même les questions s'il veut. Mais Godard, assez bienveillant envers un Daney qu'il admire visiblement (et il a bien raison : voilà peut-être le seul type qui a su se mettre à sa hauteur), lui supplie de continuer... avant de le couper une minute plus tard. Un duel, finalement, entre deux penseurs qui se respectent l'un l'autre, autour d'un art qu'ils semblent l'un et l'autre considérer comme fini avec la Nouvelle Vague (la notion de culture cinéphile énoncée par Daney marque des points), et qui trouvent leur ennemi commun dans quelques symboles du nouveau monde abhorré : L'Ours de Jean-Jacques Annaud en prend plein la tête, Le grand Bleu aussi, Kubrick pas loin, et Belmondo itou. Passionnant.

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God-art the cult

Commentaires
C
JLG (plus tard) : La science, je pense, est de l'art, ou l'art est de la science, peu importe.
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C
JLG : Le cinéma est un art comme la science est un art.
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C
SD [à propos d'un ensemble de films récents à succès qu'il ne trouve pas bons, voire abjects] : Qu'est-ce qui fait que ça a encore à voir avec le cinéma ?<br /> <br /> JLG : Et là c'est la question : qu'est-ce qui fait que les Nazis avaient encore à voir avec les Juifs ? A un moment plus ils les détruisaient, plus ça leur collait à la peau.<br /> <br /> SD : Tu veux dire que le cinéma pourrait être le remords de l'audiovisuel ?<br /> <br /> <br /> <br /> Voilà. Je viens d'en voir 30 minutes et c'est grandiose. Parfaitement inintéressant quand c'est compréhensible, parfaitement fumeux le reste du temps. L'idée de Daney que l'histoire du cinéma était imaginable en 1950 et plus en 1988 est probablement complètement fausse mais au moins on comprend la question. Pendant qu'il choppe son cancer du poumon, Godard ne fait que des digressions sur des doubles sens, des amalgames (j'ai noté ci-dessus le plus spectaculaire), n'énonce à peu près aucune idée un peu générale sensée, évoque tout juste quelques souvenirs hésitants qui intéressent sans doute les derniers membres de son fan-club (en plus ils concernent Rohmer ou d'autres). Un grand penseur, vraiment ?
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