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19 mars 2020

LIVRE : Monotobio d'Eric Chevillard - 2020

unnamedS'étant déjà payé pas mal de genres littéraires, du conte de fées au documentaire animalier, du journal de voyage à la SF, de la biographie au roman d'aventures, il était logique que Chevillard s'essaye un jour ou l'autre à l'autobiographie. C'est chose faite aujourd'hui avec ce bouquin, qui s'essaye avec l'humour coutumier de son auteur au cahier des charges du genre, tout en le pervertissant pour en faire un objet absurde et expérimental dont il a le secret. A la manière d'un Je me souviens de son idole Pérec, dont il reprend l'idée de catalogue exhaustif des faits de sa vie, Chevillard dresse donc un catalogue minutieux des mille et uns petits évènements de son existence, aussi dérisoires soient-ils. Et même s'ils sont très dérisoires, c'est encore mieux. Chez lui, on le sait depuis la lecture du minimaliste et précieux Autofictif, tout est important ; et en tant que biographe, il est important qu'il mentionne tout, d'une remarque de sa fille à un changement météo, de sa caresse du pelage d'un zèbre à une pane d'ordinateur. Pour ça déjà, le bouquin est bien barré, puisqu'on y assiste pas (ou presque pas, c'est là tout le talent) aux passages obligés de ce type d'exercice, les grands romans, les difficultés d'écrire, les prix, la reconnaissance, mais plutôt aux choses les plus triviales, les plus petites, les plus anodines possible, qui forment finalement une existence complète. Mine de rien, ces anecdotes infimes finissent par intéresser, parce qu'elles témoignent d'un regard unique sur les choses, un peu comme si Ponge avait épousé Vialatte (à ce propos d'ailleurs, on remarque que l'intérêt de Chevillard pour les animaux n'a pas fléchi).

Là où on est moins passionné, c'est que, loin de cantonner Monotobio à un simple catalogue, à une liste froide, Chevillard se met en tête de trouver un lien à tout ça, partant du principe qu'une vie est une suite d'enchaînements qui joint chaque épisode, du plus important au plus petit, en une chaîne indémêlable. Ce récit éclaté est donc en quelque sorte rassemblé en un tout cohérent, et chaque épisode de la vie de l'auteur est relié à l'autre par une de ces formules grammaticales utiisée par ses confrères en autobiographie, même les plus éculées ou les plus absurdes. Il en résulte un texte qui s'amuse avec les causalités, et joue aussi bien avec le contenu qu'avec le style. C'est savant, très sérieurx apparemment, mais ça débouche sur des constructions vertigineuses et acrobatiques dans lesquelles on reconnait bien notre clown littéraire. Oui, sauf que ça ne marche pas sur 200 pages : une fois quelques pages avalées en souriant comme un con, on se lasse du principe, qui n'ira pas plus loin que ça. En gros, tout est là dès le départ et le livre stagne par la suite. On continue d'admirer la façon qu'a Chevillard de pointer la curiosité des choses, la force de son regard sur le quotidien, mais on est agacé par cette construction de petit malin qui ne fonctionne pas.

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