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6 février 2020

Les Désarrois de l’Elève Törless (Der junge Törless) (1966) de Volker Schlöndorff

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Les enfants sont cruels. L'humanité, aussi, par extension. Schlöndorff adapte Musil et cette histoire de collégiens qui tourne mal. Le jeune Törless assiste à la torture de l'un de ses camarades, un certain Basini, par deux de ses camarades plus "expérimentés" (dans la bêtise, surtout). Basini, coupable d'un vol, est victime d'un pur chantage par ces deux "camarades" : soit il accepte son sort (c'est à dire obéir à tous les caprices de ces deux individus sans limite morale), soit il sera dénoncé à la direction. Törless, individu rêveur en pleine adolescence et donc en pleine période de doute, regarde ces agissements avec une certaine curiosité (il se pose beaucoup de question, le gamin, sur la différence entre le Bien et le Mal notamment) avant de réagir - sur le tard. Le pauvre Basini fini par être livré en pâture à toute la classe sous le regard quelque peu impuissant de Törless – too late, disais-je...

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Difficile de ne pas voir dans la chose une certaine parabole sur la montée de la violence dans ce beau pays allemand... ou ailleurs - L'Allemagne n'ayant malheureusement pas le monopole de la fureur. Plus on est témoins des coups que reçoit Basini dans une certaine indifférence générale, plus on pense à une triste époque de l'Allemagne (postérieure à l'écriture du livre qui date de 1905 - Musil ce visionnaire ou un simple observateur (relativement perspicace) du genre humain ?) : bouc émissaire, défouloir (les élèves qui s'avancent vers lui dans la salle de gym : difficile là aussi de ne pas y voir l'écho d'un certain M de Lang), Basini est la parfaite victime expiatoire de la cruauté de ses camarades - qui prennent de plus en plus de plaisir (sexuel également ? c'est aussi évoqué entre les lignes) à avilir Basini et à profiter de lui... Törless, individu sensible, ne peut s'empêcher de trouver dans cet épisode un moyen de "philosopher" sur l'existence tout en se montrant incapable de faire stopper la chose - il préfèrera la fuite avant de se "livrer" (et de livrer ses petites réflexions) au directoire du collège (totalement incapable d'ailleurs d'évaluer correctement la situation ; Törless sera renvoyé, comme un symbole de leur incapacité à comprendre la situation et à prendre ses propres responsabilités). Bref, au niveau du fond, il y aurait de quoi gratter. Sur la forme, le film bénéficie d'un magnifique noir et blanc "grisé" qui rend le film encore plus austère ; on est beaucoup dans la discussion, dans les mots et le film peut paraître parfois un peu rêche. Le cinéaste, tout de même, nous concocte quelques scènes teintées de sensualité pour rendre sensible en particulier le désarroi du gars Törless face au désir des femmes ; après une très belle séquence où il mange du regard une serveuse qui le frôle (très jolis gros plans sur des parties de l'anatomie (son cou, ses mains) de la demoiselle qui rend compte parfaitement de la "nervosité" de Törless en sa présence), il y a celle tout aussi tendue chez la légère Bozena (Barbara Steele) : il s'y rend avec un ami et là encore on sent chez Törless toute la sève qui monte en lui quand il voit son camarade caresser la jeune femme - mais, déjà, notre élève se révèle quelque peu impuissant à passer à l'action (comme un aveu de sa faiblesse qui se répétera avec le cas Basini). Des petites pointes de sensualité dont l'auteur use toutefois avec parcimonie. Les scènes de violence (lorsque Basini se fait fouetter par les deux gaziers) demeurent, elles, plutôt froides et renforcent cette impression de cruauté « mécanique » de ces deux individus frustrés... Au final une première œuvre de Schlöndorff relativement soignée esthétiquement, un peu noyée sous les mots tantôt, mais plutôt finaude dans son exposé sur la petite mécanique de la violence – les jeunes loups et le mouton noir devant des bergers aveugles. Désarmant.

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