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3 octobre 2019

La Loi de la Frontière (Hudutlarin Kanunu) (1966) de Lütfi Akad

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Allons voir un peu ce qui se fait du côté de la Turquie avec cette (ultime) copie restaurée par les bons soins du gars Scorsese. Il est ici question de thèmes encore de circonstance : la difficulté pour les pauvres de sortir de leur condition, l’oubli terrible du monde préhistorique, pardon, rural ou encore la nécessité absolue de l'éducation pour tenter de s'extraire de ce cercle de misère sans fin. La vie d'Ismir, chef de ce village perdu qui vit de la contrebande en passant illégalement d'un côté et de l'autre de la frontière ressemble littéralement à un champ de mines : pour tenter de sortir les siens de la panade, il est prêt à faire ami-ami avec le pouvoir (autant dire marcher sur des œufs – mais le danger reste constant) ; il pourra ainsi ouvrir une école au sein de son village, cultiver les champs que les riches propriétaires terriens sont prêts à lui allouer mais en échange, plus de contrebande, of course... Malheureusement les riches commerçants, propriétaires ou éleveurs, ainsi que ses propres hommes habitués à cet argent facile, eux qui ne possèdent rien, ne voient pas vraiment la chose du même œil. Ismir va bien tenter de mettre tout ce petit monde dans le droit chemin en flinguant ici ou là les opposants à cette « modernité progressiste » (des coups de feu et des exécutions sommaires qui ont dû faire vibrer notre bon Martin)... seulement voilà, à force de sortir des sentiers battus, de se mettre hors-la-loi ou hors des normes traditionnels pour trouver d’autres voies, on est jamais à l'abri de sauter sur une mine. Sale destin.

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On sent bien que malgré tous les efforts de rénovation, la copie a salement morflé ; on aime généralement cela sauf si on a l'impression que certains pans de l'histoire sont tombés en route... Il faut reconnaître, qu'on se perd un peu dans ces divers règlements de compte de la seconde partie et l'on ne sait trop s'il faut incriminer la copie, le scénar… ou le fait que ces cons de Turcs portent tous la moustache et qu'on finit forcément par tous les confondre... Bref, je dois reconnaître que je me suis un peu emmêlé les pinceaux dans ces combats de clan un rien confusant... A part cette petite réserve, on a quand même de jolies petites satisfactions à tirer de la chose même si l'on sent des moyens un peu de bric et de broc. Akad, quand il lâche les chevaux et surtout les moutons, sait nous servir quelques séquences exaltantes : ces dizaines de moutons qui se pètent sur un champ de mine (ça sent LE méchoui du tournage), ces courses poursuites dans les rues labyrinthiques de la ville ou encore ces "duels" locaux (on donne un flingue à un type pourchassé, au milieu de quatre individus armés... Il a autant de chance de s'en sortir que Balkany dans les douches). Quand il y a de la pétarade, l'Akad sait user d'un montage efficace ; on peut également porter à son crédit cette ultime séquence dans le champ de mine (Ismir tente de se faire la malle sous les yeux de son fils) où il parvient  à faire terriblement monter la tension... Sur le fond, oui, il est clair qu'il n'est pas évident de changer les mœurs dans certains coins reculés de la Turquie : instaurer une école s'avère ainsi aussi difficile que d'imposer un barbier pour tous et Ismir doit faire face, constamment, à la pression des siens ; dès qu'il tente de s'acoquiner avec des éléments extérieurs que ce soit avec la maitresse (seule femme dans ce monde de poils) ou le nouveau lieutenant, on le regarde avec la moustache de travers ; il est pris dans une sorte de fuite en avant qui ne peut que finir par le miner (...) de l’intérieur, par lui scier les pattes. Du turc vintage parfois peut-être un peu laborieux au niveau scénaristique ou de la mise en scène un rien statique (ça c'est de l'art et essai brut, pas du film du monde coloré...) mais qui sait également au besoin se faire trépidant dans la forme et audacieux dans le fond. Dura lex sed lex.

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