LIVRE : Matin brun de Franck Pavloff - 1998
Comment un livre aussi neuneu a-t-il pu avoir un tel succès ? Ca reste un mystère, à moins d'être complètement désespéré de la nature humaine. Les intentions de Franck Pavloff sont certes les plus nobles qui soient : ce petit texte est une métaphore sur la montée de l'extrême droite, et en 1998 comme en 2011 ça reste une juste cause, on est d'accord. Mais était-ce bien nécessaire d'être aussi simpliste pour faire passer le message ? On assiste donc au témoignage d'un type qui regarde les fachos prendre le pouvoir sans réagir, à travers une image : on interdit d'abord les chats non-bruns, et le gars dit amen ; puis les chiens non-bruns, et c'est pareil ; puis la spirale s'accélère jusqu'à ce que notre ami se rende compte qu'il aurait dû réagir avant. Bon. Ca rappelle la fameuse phrase : "Quand ils sont venus chercher les juifs, je n'ai rien fait, je n’étais pas juif ; quand ils sont venus chercher les catholiques, je n'ai rien dit, je n’étais pas catholique ; puis ils sont venus me chercher, et il ne restait plus personne pour protester". Encore une fois, rien à dire sur l'intention. Mais la métaphore est si grossière, si premier degré, qu'on se demande si on ne s'est pas égaré, à un moment ou à un autre, dans le rayon "première enfance" de sa librairie préférée (Le Haut Quartier - 8 rue des Orfèvres à Pézenas - du mardi au samedi 10h-12h30 et 15h-19h). La subtilité est gravement laissée au vestiaire au profit d'un texte naïf et sans mystère, mal fagotté qui plus est (l'écriture ne semblant pas être un gros souci pour Pavloff) et qui dévoile toutes ses cartes comme si son lecteur était un crétin. C'est ça, finalement : le livre nous prend pour des crétins, incapable de réfléchir ; il nous regarde de haut (ça va, moi non plus j'ai pas voté Le Pen), nous donne des leçons, et le fait avec le schématisme des vieux maîtres d'école dans leurs cours d'éducation civique : "ça, c'est mal, ça, c'est bien ; ne réfléchissez pas, retenez". Etre contre le fascisme requiert un autre talent et une autre réflexion que ce livre idiot et superficiel.