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26 juillet 2018

LIVRE : Dans la Forêt (Into the Forest) de Jean Hegland - 1996

9782351786444,0-4984204"Déjà 150000 lecteurs conquis", tonitrue le bandeau de couverture, je serai donc malheureusement l'exceptionnel 150001ème qui confirme la règle. Intéressé, oui, même plutôt bienveillant, mais pas vraiment conquis par ce roman naturaliste. Le truc commence comme commencent tous les romans américains depuis 2 ans : une curieuse catastrophe écologique s'attaque à notre bonne vieille société et a éliminé déjà pas mal de nos contemporains. Au coeur d'une forêt, séparée de tous, survit une famille, confiante dans le retour prochain de la civilisation, et jouant au survival. La mère est morte, mais restent un père aimant, taquin et débrouillard, et deux soeurs liées par un lien indéfectible : Eva, promise à une brillante carrière de danseuse, et Nell, prête à rentrer dans une grande université. Entre elles, c'est à la vie à la mort, d'autant que leur isolement de la société les a resserrées autour de cette liaison unique. Mais voilà que l'apocalypse a bien l'air de vouloir durer : cette famille bourgeoise-bohême va donc peu à peu devoir apprendre à vivre avec la forêt, dans la forêt, de la forêt ; et la survie en milieu hostile et sauvage, quand on a été choyées et gâtées toute sa vie, c'est pas simple. Le roman opère une sorte d'éducation à l'envers : comment ces deux filles (le père a quelque souci en cours de route) apprennent à se dé-civiliser, à retourner à l'état primaire de fusion avec la nature, à grandir dans un monde qui ne semblait pas du tout prêt à les accepter et qu'elles vont parvenir peu à peu à conquérir et à comprendre. C'est la petite Nell qui prend la plume pour cet âpre journal d'un retour aux origines édéniques du monde, un passage lent, long, douloureux qu'on peut aussi appeler "passage à l'âge adulte" si on veut avoir une lecture psychanalytique de la chose.

Beau sujet, aucun doute, et dans ses grands moments (les 75 dernières pages, quelques passages inspirés par-ci par-là), Hegland parvient à nous faire comprendre ce parcours de l'extérieur vers la matrice que les soeurs suivent. Son écriture est riche, plutôt bien balancée, très sensitive, utilisant toute une panoplie de couleurs, de sensations, d'odeurs, pour nous faire ressentir concrètement cette forêt autant symbolique que concrète. Que les filles préparent une confiture, organisent un accouchement dans la boue, dépècent un sanglier ou cueillent des fleurs, l'auteur s'efforce toujours de rendre vivantes les sensations qu'elles ressentent, et c'est vrai qu'elle y parvient souvent (bien aidée par une traduction aux petits oignons (sauvages)). La fin du roman est la plus réussie, parvenant enfin à trouver cette sauvagerie qui habite Nell et Eva, mettant le doigt sur le vrai sens du livre, un abandon aux forces de la nature et un retirement pur et simple de la civilisation, la recréation d'une famille bancale aussi animale qu'humaine, un retour aux origines (les hommes préhistoriques et les Indiens d'Amérique sont cités). Mais pour en arriver à ces pages, il a fallu suivre laborieusement 200 pages répétitives qui ne décollent jamais. L'idée par exemple de la danseuse condamnée à s'entraîner sans musique (l'électricité est out) est bonne, mais Hegland la répète 117 fois sans jamais y ajouter quoi que ce soit ; tout comme les rapports avec le père, qu'on saisit très vite mais que le roman s'évertue à répéter sans cesse, ou comme les consultations de l'encyclopédie que Nell consulte sans cesse. Le bouquin stagne trop souvent, et quand il ne stagne pas, il s'arrête sur des épisodes peu intéressant (une histoire d'amour qui arrive là comme un cheveu sur la soupe, des rapports au père un peu artificiels, d'incessantes disputes entre soeurs), enlevant du sérieux et de la force au récit. En gros, j'aurais aimé un peu plus de mouvement dans ce scénario qui y portait pourtant ; Hegland n'est pas Peter Heller, plutôt une habile Karen Blixen plus douce. C'est bien aussi, mais mon humeur me portait plutôt vers les gros ours que vers les petites fleurs.

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