LIVRE : Le Chasseur de Lapins (Kaninjägaren) de Lars Kepler - 2016

J'attends désormais les livres de Lars Kepler comme des petites friandises, puisque le couple maléfique est à l'origine des polars les plus addictifs de ces dernières années. A peine remis des insomnies qu'a déclenchées ma lecture récente du Marchand de Sable, je m'attaque donc au dernier cru, ce Chasseur de Lapins qui voit revenir en force la geekette Saga Bauer et le sur-entraîné Joona Linna pour une nouvelle enquête tendue comme un arc. Cette fois, ils sont sur la piste d'un tueur qui porte des oreilles de lapin (... oui, il faut bien qu'il y ait des images fortes dans un thriller, quitte à prendre n'importe lesquelles) qui assassine peu sainement le ministre des Affaires Etrangères. Seuls détails bizarres : il laisse derrière lui un témoin (une prostituée), et il attend 19 minutes entre le premier coup porté et le coup fatal... Mmm, voilà qui est bizarre pour nos deux flics malins comme des singes, qui vont lors remonter des pistes improbables, tentant de rattraper le tueur et le temps : en effet, le type menace d'assassiner 10 personnes que rien ne semble relier en un rien de temps (le concept de "tueur à la chaîne", à ne pas confondre avec un serial-killer).

Comme d'hab, depuis la première ligne de la première page jusqu'à la dernière de la dernière, les gusses vous attrapent par les parties (le cerveau est assez peu sollicité) et ne vous les lâchent pas une seconde. Avec un sens du rythme imparable, ils vous prennent tranquillement dans les rets d'une intrigue tellement anxiogène et passionnante qu'elle parvient à cacher sans problème ses incohérences et ses excès (ce tueur a tout du super-héros, quand même). L'histoire, c'est délicieux, a autant de références à trouver chez Agatha Christie (clins d'oeil aux Dix petits Nègres) que dans le thriller contemporain le plus noir ; les scènes d'exécution de victime sont brutales et sanguinolentes, les bougres semblant prendre un plaisir particulier à rendre ces moments très glauques. On est ainsi dans la grande tradition de l'enquête à rebondissements et en même temps dans le polar poisseux d'aujourd'hui. Lars Kepler excelle dans les deux styles : son enquête est diabolique, retorse, ne lâchant ses indices que peu à peu, et acceptant au bout d'un moment de lever le voile sur les mystères pour mieux donner libre cours à la violence et à l'action ; et quand il s'attaque aux scènes purement thrilleriennes, il est parfait dans les rythmes et dans la tenue du lecteur. Bon, il est vrai que Le Chasseur de Lapins est peut-être moins dans la maestria que d'autres livres de Kepler, à cause justement d'une intrigue un peu trop rocambolesque pour être crédible, et manque de cette cohérence diabolique qui faisait le sel de Désaxé par exemple (ce talent pour mener tout un bouquin en un seul mouvement). Mais il y a là-dedans tout ce qu'on attend d'un polar, du fun, de la violence, du mystère, des personnages forts, un méchant très méchant, une manière de vous hypnotiser façon grand manipulateur... Du plaisir sans nuance.