Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
13 avril 2016

LIVRE : Désaxé (Stalker) de Lars Kepler - 2014

9782330057923,0-3007978J'aborde toujours les polars avec le petit sourcil du snobisme levé façon dubitatif, traitant ce genre comme un divertissement ; et avouons que dans 9999 cas sur 10000, ça ne va pas plus loin. Mais Désaxé m'a mis une vraie claque, et je dois aujourd'hui réviser mon jugement : oui, un polar peut être bien écrit, passionnant, jouissif, que les dieux de la Série Noire me damnent. La chose qui le différencie de ses petits camarades ? Le style, ou plutôt la construction. Je n'ai pas le souvenir d'avoir lu un thriller qui savait vous surprendre comme celui-ci par la seule vertu du montage. Car montage il y a, au sens cinématographique du terme : Kepler utilise les chapitres, les paragraphes, la "durée" en vrai maître. Par exemple : une femme est traquée par un tueur, un chapitre est consacré à sa terreur ; on pense alors que, comme dans tous les polars, le truc va s'arrêter là, et qu'au prochain chapitre, on va retrouver les flics qui découvrent le corps, etc. Que nenni : Kepler considère le changement de chapitre comme une simple respiration rapide, et continue la narration dans le suivant exactement là où il l'a laissée : la femme est poursuivie, se cache, entend des pas... cut... chapitre suivant : le tueur ouvre la porte, etc. Chaque épisode est ainsi mené jusqu'à son terme, sans ces fatigantes ficelles habituelles qui consistent à vous en mettre plein la vue sur un chapitre pour mieux vous balancer 150 pages de fausses pistes avant d'y revenir. Le récit, ici, file avec une simplicité incroyable, et les auteurs (Kepler est le pseudo d'un couple) ne laissent rien en plan tant que tout n'est pas consommé. D'où une sensation très agréable de déstabilisation : on sait qu'on ne nous lâchera jamais, qu'on nous obligera à regarder l'horreur, et on ne sait pourtant jamais ce qui nous attend au chapitre suivant. D'autant qu'au niveau des indices, là aussi, on est toujours étonnés : Kepler donne des informations cruciales aux moments où on s'y attend le moins, respecte complètement ses lecteurs en ne cherchant pas à être en avance sur la trame par rapport à lui.

Cette sensation de nerf, de rapidité, de speed dans la trame est très agréable ; malgré ses 600 pages, le livre file droit, n'a jamais de longueurs, de piétinements, de remplissage. La trame est pourtant assez classique : un serial-killer massacre des femmes en envoyant quelques minutes avant des vidéos de cette nana aux flics. Ceux-ci se font épauler par un psy hypnotiseur (visiblement personnage récurrent des romans de Kepler), par un ex-flic devenu SDF, et par un psychopate qui s'avère être le seul lien connu avec le tueur... sauf qu'il est amnésique. Dit comme ça, ça ressemble à un grand n'importe quoi, mais Kepler arrive à rendre tout ça super crédible. Parce qu'il sait densifier ses personnages, les rendre humains, concrets, possibles, et parce qu'il ne nous laisse jamais le temps de nous interroger sur la chose : on est happé par ce savoir-faire, on a envie d'applaudir devant les inventions constantes de la trame, on danse la gigue devant la netteté "à l'américaine" du style, et on finit par reconnaître qu'on est là face au meilleur polar qu'on ait lu depuis Mathusalem. Osons : génial.  (Gols 24/03/16)


51b7jIGJxwLSur les conseils de l'ami Gols, je me lançai dans ce polar suédois qui s'annonçait pêchu et saignant. Il l'est. Beaucoup aimé également cette façon de découper malicieusement les chapitres et surtout ces très courts paragraphes qui semblent toujours aller vers l'essentiel - comme une sorte de Mankell sans qu'il soit besoin de faire une page de description ou d'analyse psychologique un peu longuette. La chose étant miraculeusement bien traduite par Lena Grumbach (aucune phrase ne paraît étrangement alambiquée), l'ensemble possède une fluidité absolument louable. Sans vouloir en dévoiler plus au niveau de l'intrigue, reconnaissons que les auteurs savent à chaque fois nous surprendre (ce qui n'est pas si courant) tout en n'hésitant pas à trancher dans le gras : quand le serial-killer frappe, j'aime autant vous dire que les coups de couteau dans le dos sont particulièrement brutaux - plus d'une fois j'ai dû me lever pour vérifier que je n'avais pas taché mon oreiller ayant moi-même senti un sang chaud couler le long de mes vertèbres (c'était juste de la sueur tropicale, en fait). On pense que six cents pages, cela risque d'être too much et ben point du tout, tant cela nous permet de suivre chacun des personnages avec toutes leurs aspérités (très joli "livre choral" qui ferait d'ailleurs un film "noir et rouge" automatiquement saisissant - en espérant que ce ne soit pas Besson aux commandes mais un Mankiewicz ou un Hawks (ou tout autre personne avec un w dans son patronyme - vivante ce serait mieux)). C'est à tel point captivant qu'on se demande bien comment on a pu échapper jusque-là (leurs précédents ouvrages ayant fait un carton) à ce couple infernal qui se cache sous ce pseudo. Essayer Stalker, c'est l'adopter, tant il est impossible de ne pas suivre jusqu'au bout cette petite mécanique parfaitement huilée par des litres d'hémoglobine. Il est de bon conseil, ce Gols, il devrait en faire métier, dit un Shang au chômage technique... (Shang 13/04/16)

Commentaires
Derniers commentaires