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Shangols
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10 septembre 2022

L'Homme que j'ai tué (The man I killed / Broken Lullaby) (1931) d'Ernst Lubitsch

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Pas facile de découvrir ce film sans avoir en tête le spectre du Frantz de Ozon (un de ses derniers films les plus tenus, pour ne pas dire le seul) ; on cherche donc malgré tout à le sortir de notre esprit, tentant d'apprécier à sa juste valeur ce drame du roi de la comédie, ce bon Ernest. On pourrait découper le film en trois volets très inégaux par leur longueur : la confession terrible du héros, Paul, à ce curé un peu trop débonnaire (oui, ben mon gars, tu as tué un type pendant la guerre, je te donne l'absolution et oublie tout ça... COMMENT ?, hurle notre Paul... Ouais, ok, pars en mission en Allemagne pour le repos de ton âme, amen, c'est sans doute plus sain). Paul, toujours sous le choc de cet instant crucial de sa vie (le « meurtre du soldat »), arrive tout fébrile en Allemagne... Il marche sur des œufs, prêt à faire dès le départ sa confession aux parents et à la fiancée du type qu'il a tué… mais il se reprend et se prend à la joie des autres, tout content de sa visite : « Alors, il était comment la dernière fois que tu l'as vu ? »... Paul oublie son malheur en donnant du bonheur à cette famille tombée depuis la fin de la guerre sous le coup de la dépression (lorsque le père lui prend la main, on ne peut s'empêcher de repenser à l'image du film de Pabst maté hier... comme une solidarité soudaine et inattendue dans le malheur) ; une seconde partie qui est également remarquable par la saillie du père face à ses vieux amis anti-Français (mais ils ont souffert tout comme nous, les Français, et qui a envoyé à la guerre nos propres fils, hein ? - le titre original prend alors comme une autre dimension) et par la mise en scène de Lubitsch des commérages qui semblent résonner dans tout le village : la chtite s'est amourachée d'un Frenchie, roooohhh... Paul, dans la dernière partie, est vidé, au bord de la rupture mais trouvera un appui miraculeux et inattendu en la chtite Allemande : cette dernière accuse certes le coup quand elle apprend qu'il a tué son fiancé mais se reprend quasiment dans la seconde pour sauver tout le monde du naufrage ; le mensonge est un peu gros (omettre d'annoncer la nouvelle aux parents) mais le bonheur de tous est à ce prix : pour survivre mentalement, il faut savoir ne pas endosser toute la responsabilité des horreurs de cette guerre où l'on ne fut jamais qu'un pion, une victime...

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Première partie où l'on sent Paul en écorché vif, deuxième partie où notre homme se fait rapidement dépasser par les enjeux (l'accueil des parents, l'amour évident de la chtite, tout comme d'ailleurs les commérages dont il est la cause) et dernière partie qui sonne comme une rédemption inimaginable - rien ne se passe comme il l'avait vraiment planifié, mais au final c'est sans doute pour le meilleur. Lubitsch, dans la partie centrale notamment, ne cherche pas les effets faciles (terrible tout de même ce plan sur un arche vide alors que résonnent encore le pas des jeunes soldats qui partaient en guerre : l'engouement va-t-en-guerre a laissé la place à un vide intersidéral) mais trousse en moins de soixante-quinze minutes un drame totalement maitrisé : plus jamais cela, nom de nom, se dit-on chez Lubitsch comme chez Pabst en ce début des années 30... Jusqu'à ce que l'histoire bégaie son aveuglement.   (Shang - 21/02/18)

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Quelle merveille absolue ! Je ressors tout chose de ce mélodrame mis en scène avec une maîtrise effarante, qui tend à prouver que, oui ok, Lubitsch est le maître de la comédie, mais que dans le drame, il se débrouille pas si mal aussi, merci. Son côté taquin et ironique paraît d'ailleurs dès le départ, avec cette célébration de la paix retrouvée en voix off montée sur des images prouvant bien que la guerre n'est pas oubliée pour autant. La première photo de mon camarade ci-dessus atteste de cet esprit purement lubitschien du contrepoint. Mais dès cette intro passée, on plonge dans la tragédie pure, ton que le film ne lâchera plus. Porté par des acteurs merveilleux, avec en tête cette Nancy Carroll, absolument époustouflante dans ses minuscules expressions, le film déroule sa trame avec une subtilité de chaque instant. Chaque scène a ses beautés. Pour ma part, c'est vraiment la fin qui m'a transporté (regardez le jeu des mains de Carroll et vous comprendrez pourquoi) : un modèle d'élégance et de justesse dans le dénouement, qui se termine sur un long plan de deux vieux reliant par leur regard les deux amoureux et par là-même les deux pays (la France et l'Allemagne, il y a peu encore ennemis), cette musique qui s'élève pour rompre avec la martialité de celle du début, ce grandiose sacrifice humain auquel s'abandonne le jeune femme. Mais il est vrai que la très belle séquence de mise au point face aux vieux Allemands xénophobes et aigris marque également des points : il y a dans ce plaidoyer énoncé tout simplement par le bouleversant Lionel Barrymore tout l'humanisme, toute la révolte, toute l'indignation de Lubitsch vis-à-vis de la guerre ; et il conclut par une grande idée : monter un son de défilé militaire et de liesse sur l'image d'une rue déserte et du visage de Barrymore désolé, montrant que celui-ci, comme les autres, s'est réjoui à l'époque d'envoyer son fiston au casse-pipe. Il n'y a de toute façon que des bonnes idées là-dedans, véritable petit trésor d'élégance, de pudeur et de délicatesse. Ozon, malgré son talent sur ce coup, peut aller se coucher.   (Gols - 10/09/22)

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Commentaires
S
sauf que j'en pense la même chose ami Mitch, vous lisez en travers... De mauvais films que je trouve bons ? Ah ? Ne serait-ce pas plutôt des bons films que vous trouvez mauvais sans les avoir vu, non ?
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L
Merveille absolue, il a raison, le Gols. Ab-so-lue. <br /> <br /> Le Shang, tu regardes trop de mauvais films que tu trouves bons, et ça perturbe le cerveau à la fin.
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H
Chaque fois que j'ai montré la première séquence de ce film à des amis, ils en sont restés comme deux ronds de flancs (et du coup on a regardé la suite). L'exclamation de stupeur scandalisée de Phillip Holmes (acteur généralement assez peu expressif) après que le curé auquel il vient de confesser son « crime de guerre » lui a dit qu'il n'avait fait que son devoir de soldat est d'une extraordinaire puissance morale. Étonnant que ce film magnifique ne bénéficie pas d'une édition dvd qui le mette plus en valeur. Plutôt qu'à 'La Tragédie de la mine', je l'apparie pour ma part à un autre film pacifiste bouleversant de l'entre-deux-guerres-mondiales, sorti un an après celui de Lubistch : 'Okraïna', de Boris Barnet.
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