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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
14 janvier 2017

Frantz de François Ozon - 2016

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J'étais prêt à laisser tomber François Ozon, voyez-vous, trop de pastiches, de postiches et de légèreté ayant fini par m'agacer. C'est pourquoi Frantz arrive comme un miracle, et comme la preuve que c'est dans le film à costumes que le gars s'exprime le mieux (Angel, 8 Femmes). Dans une sobriété qui lui fait honneur, avec une modestie et un sens de la mesure impeccables, mais sans perdre pour autant son côté expérimental et incarné, il réalise là un de ses plus beaux films, ce qui n'est pas rien.

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Le charme du film tient en un seul mot : Paula Beer. Non pas que cette actrice soit particulièrement belle, fatale, photogénique, ou quoi que ce soit. Mais Ozon la magnifie, lui offrant l'écrin sublime d'une mise en scène tout en approches sensibles, en mouvements discrets, en recadrages suaves. C'est bien simple : depuis Truffaut, on n'a jamais vu une femme aussi bien filmée. La caméra amoureuse d'Ozon nous fait augurer des sentiments de son partenaire, Pierre Niney, et c'est d'autant plus fort d'avoir substitué au regard dénué de sentiments du garçon la sensualité admirative de la caméra. La phrase de Godard prend tout son sens ici : "le cinéma substitue à nos regards un monde qui s'accorde à nos désirs". Le film d'Ozon déploie tout un réseau fantasmatique autour de cette femme, "l'étrangère", celle qui fait partie d'une culture d'autant plus éloignée de la nôtre que l'histoire se situe au lendemain de la guerre, au moment où les tensions entre Français et Allemands sont encore très vives. Une histoire qui va mêler étroitement l'amour, l'art et la mort, tout en dessinant une déclaration d'amour au cinéma qui est assez touchante.

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Les deux amants du film passent leur temps à se mentir, mais leurs mensonges soustraient le monde à la réalité, et le rendent plus beau. Dans un premier temps, Adrien ment à la jeune femme, puisqu'il est l'assassin de Frantz et se fait passer pour le meilleur ami d'icelui. Balades au Louvre, passion de la musique, le monde qu'il décrit est idyllique, et les petites pointes de couleurs qui viennent habiller ces rêves de vie parfaite tombent à point. Grande idée que celle-ci, toute simple, qui consiste à habiller d'abord les souvenirs, puis les moments gais vécus en couple, de couleurs, pour rompre avec le pourtant somptueux noir et blanc. Dans la deuxième partie du film, la jeune fille, arrivée en France, fantasme complètement la vie d'Adrien, va à l'opéra pour l'écouter jouer, va au Louvre pour tenter de le retrouver. Le film qu'ils se jouent, chacun de son côté, supplée à leur mal-être, les aide à vivre ; belle déclaration au cinéma lui-même, en tant que générateur de fantasmes. Le jeu de regards, de gestes, de mots, échangés par les deux amants, fabriquent une histoire d'amour, alors que la réalité sera triviale, autre. Et pourtant, il a fallu que Anna en passe par là pour accepter la vie, faire le deuil de Frantz et commence à renaître. Ozon ne refuse aucun sentiment, dopant son film à l'émotion, faussement simple dans son exécution, dans son abord ; il a un côté très littéraire dans ce qu'il raconte. Mais le filmage est très sophistiqué, très précis, et le jeu de ses comédiens ne verse jamais dans la facilité. D'une supérieure élégance, enfin débarrassé de ses tics de petit malin qui finissaient par gâcher son cinéma intello et sensuel à la fois, il a peut-être enfin trouvé sa voie nouvelle : filmer les acteurs. (Gols - 11/10/16)

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Il y a en effet du vrai dans ce que dit joliment mon camarade à propos de la résurrection d'Ozon et de ce bien bel écrin filmique qui sublime son héroïne parfaite en tout point (très fan du petit grain de beauté sur le nez qu'elle partage avec Ornella Mutti - c'était la séquence esthétique et cinéma). Beaucoup aimé cette sorte de "métempsychose" qui s'opère, dans un premier temps, du soldat allemand au soldat français : c’est ce dernier qui revient du front pour visiter la famille allemande et la fiancée de celui-là et l'on ne peut s'empêcher d’ailleurs au passage de penser à une sorte de variation julesetjimesque – en référence à la peur de Jim de se trouver face à Jules dans les tranchées et de le tuer, ce qui n’arriva bienheureusement point. Une fois cette visite effectuée et le premier secret du film révélé, apparaît une autre sorte de "contamination spirituelle" tout autant intéressante : après tous les mensonges émis par Adrien, Anna se met à son tour à mentir - pour ne pas créer de scandale, pour le bien-être de sa famille d'adoption, mais surtout pour ne pas mettre à mal l'amour naissant qu'elle ressent pour Adrien... Tout un réseau de mensonges mis en place par la belle Anna et qui se prolonge tout au long du film ; objectif inavouable : espérer trouver un véritable amour de substitution. Tout nous prépare à ce que cet amour non avoué finisse par éclore et puis... pffffiout... Comme si les mensonges avaient fini par prendre le pas sur la réalité, les fantasmes sur les sentiments vrais.

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Tout n'est pas complétement perdu puisqu'en effet, par le truchement de ce saisissant tableau de Manet, "Le Suicidé", Adrien et surtout la jeune femme, trouveront la force de s'accrocher à la vie, de ne plus se laisser aller au désespoir, de se reconstruire (A une nuance près toutefois : Anna semble avoir beaucoup plus gagné en autonomie qu'Adrien, ce dernier, encore trop attaché au passé, se montrant finalement incapable de suivre l'amour quand il se révèle à lui). Belle résurrection au final que celle de cette femme qui par la confiance qu'elle place en cet homme, par son ouverture d’esprit, son sens du pardon, par le biais de l'art et par sa pugnacité retrouve ses couleurs. Il faut aussi souligner tout au long du film la superbe musique de Rombi dont Ozon sait user avec parcimonie, ainsi d’ailleurs que le magnifique travail de mise en scène et de montage - cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu Ozon faire montre d'un tel soin à chaque plan, à chaque séquence (lors de discussion en trio ou en quatuor notamment) si judicieusement découpée (et ce sans jamais chercher à faire le petit malin comme le disait l'ami Gols).

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On aime cette douce mélancolie qui se dégage de cette œuvre toute en nuances, ces subtils mouvements du cœur qui restent pleins de pudeur mais le truffaldien qui se cache en moi demeure malgré tout un peu déçu. On n'aimerait pas sabrer la chose en disant que l'on reste dans la bonne vieille qualité française des 20 dernières années (qui a... ses qualités, assurément) mais si l'on trouve un vrai charme sentimental à la chose, on reste un peu moins friand des dialogues, un peu platounets, de ce scénar qui traîne parfois un peu en longueur (ces deux vieux Allemands qui bougent au rythme d'un caméléon) et qui use avec ultra-parcimonie de coups d'éclat. Difficile de louer l'humilité certaine d'Ozon sur ce coup et de lui reprocher en même temps l'absence de folie, je vous l'accorde, mais avouons qu'il y a parfois un petit côté ronronnant que peine toujours à sauver la luminosité de son actrice (le dernier plan est à tomber, certes). Bref, un très bon Ozon qui retrouve sa foi sacrée en son cinéma mais un spectateur qui attend encore un peu plus de cet éternel héritier... truffaldien.  (Shang - 14/01/17)

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