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27 mars 2014

LIVRE : Selon Dante d'Alexis Ragougneau - 2014

book_386On ne sait pas trop par quel bout attraper ce bizarre bouquin, et c'est après tout sûrement une qualité. Ragougneau (qui devrait prendre un pseudo) nous trousse une sorte d'épopée en mobylette, à la fois farce burlesque et réflexion pas si futile sur la foi, et s'attaque à un thème délicieusement d'une autre époque : la sainteté, et la recherche d'icelle dans le monde moderne. Le héros, vague petit mec égaré un jour dans une église, rencontre une sorte de Messie, en l'occurrence un curé dont les mains saignent dès qu'il touche la poitrine des femmes. Très vite, elles se précipitent à ses messes pour faire couler le saint liquide, ce qui ne va pas sans déclencher l'ire des maris, l'hostilité de l'Inquisition et la colère des mégères une fois le sang tari et le curé désireux de reprendre une vie normale. Dante, depuis l'hôpital psychiatrique où il est enfermé, va tout faire pour convaincre le Vatican de sanctifier son idole, qu'il suit comme Sancho Panza son Don Quichotte.

Ca pourrait être une pochade anticléricale, et ça l'est parfois, frôlant le petit ton à la Marcel Aymé dans les premières pages ; mais Ragougneau est plus fort que ça. Il emmène peu à peu son roman vers d'autres eaux plus ardues, celles du texte purement religieux, celles de la politique aussi. La très grande idée, qui pose directement le roman vers quelque chose de beaucoup plus vaste que le simple gag, c'est de faire écrire cette histoire par un homme dont on ne sait pas s'il est fou, et ce directement sur une Bible qu'il a volée. Entre les lignes des Evangiles, ceux-ci venant faire comme une apostille à la trame principale : les Evangiles sont cotés au milieu de l'histoire, faisant de Selon Dante une sorte de nouveau cathéchisme, version moderne et triviale. Très grande trouvaille, puisqu'elle fait verser la lecture à un tout autre niveau. Du coup, on apprécie d'autant plus les décrochages stylistiques du dernier tiers : dialogues de théâtre, changements de points de vue, et même passage vers le fantastique, avec ces très belles pages consacrées à Dante, enfermé dans les archives du Vatican comme un rat papivore, complétant son manuscrit à l'occasion des rarissimes passages de lumière. La pirouette était risquée, mais Ragougneau nous avait préparé le terrain en prenant bien soin de ne jamais verser dans la farce pure. Son roman est pourtant souvent drôle, ce qui n'enlève rien, dans la démesure de certaines scènes (toutes les femmes qui se jettent sur le saint pour qu'il touche les leurs (de seins)) et dans le ton taquin des deux premiers tiers. Intéressant, oui.

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