L'Intrus (Intruder in the Dust) (1949) de Clarence Brown
Le Brown adapte Faulkner sans qu'il ait malheureusement la talent ou la fougue d'un Ford. Il est question ici d'un homme accusé (un Black) d'avoir tiré dans le dos d'un blanc ; une foule aimerait sans autre forme de procès lyncher le gars, le brûler ou l'écarteler - on peut toujours faire confiance à une foule aveugle. Heureusement un ptit blondinet (qui respecte le Black, de loin) et une vieille (un attelage guère fordien, j'en conviens) sont prêts à tout pour faire éclater la vérité. Suspense...
Je n'aimerais pas être trop dur avec ce Brown pavé de bonnes intentions: justice vs foule aveugle, black solitaire et cool vs foule blanche bêtasse, intrépidité de la jeunesse et lucidité de la vieillesse vs adultes mollassons, il est bon de mener certains combats pour éveiller les consciences. Au-delà de ce fond bon enfant (pour sa pureté), Brown peut s'appuyer sur quelques séquences suffisamment édifiantes pour tenir son spectateur en haleine : un mort que l'on déterre à la pleine lune (classique - mais une opération rarement effectuée par deux ado black and white sous l'œil inquiet d'une grand-mère), un vieux manchot se jetant dans les sables mouvant pour retrouver (le cadavre de) son fils (ah moins classique déjà), une vieille en gardienne de prison qui tient tête à une foule froidement en colère. Il y a une certaine excitation à la vision des dites séquences même si celles-ci tombent rapidement un peu à plat. Peu d'effroi dans la première mais plutôt une ambiance un peu "club des 5" (on sourit de voir les petites mines de nos deux ado et notre mémé fronçant gravement du sourcil), peu de suspense dans la seconde (notre manchot est sauvé en moins de deux - je ne parle pas des bras, bien sûr), peu de réelle tension dans la troisième (le coup de l'essence fait long feu : un regard de la vieille et toute la ville est tenue en respect - une foule muette, bâtarde, molle...). On sent venir de très loin la démonstration finale qui arrive d'ailleurs avec la même lourdeur que les flash-back - Comment connais-tu ce Black ? rwwwwwww... Que s'est-il passé lors du meurtre? rwwwwwww... On voit les ficelles, quoi.
Bon, c'est un peu dommage parce que certains personnages valent le détour : ce petit blond naïf et attentif prêt à tout pour bien faire, ce grand black impressionnant avec sa tête imposante, cette petite vieille qui ne s'en laisse pas compter, ce manchot dont la première apparition jette un froid... Un casting bien sympathique ma foi pour une œuvre fort plaisante à suivre mais qui manque définitivement "d'accroche", de grip dirait Patrick Monteil : chaque situation un poil tendue est vite dégoupillée et l'on n'a guère d'inquiétude pour l'issue de la chose - sans même avoir besoin de consulter son petit Faulkner illustré. Plaisant, disais-je, mais faisant peu frissonner l'échine.