Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
17 mars 2021

Daïnah la Métisse (1932) de Jean Grémillon

vlcsnap-2014-01-14-23h00m05s208

vlcsnap-2014-01-14-22h59m37s180

dainah_la_metisseIl ne reste que la moitié du film qui avait été tourné et le gars Jean a tout simplement renié cette œuvre. Oui, bon, dit comme cela, cela ne met pas forcément en confiance. L'histoire pour sa part est assez simple (je n'en raconte que la moitié forcément - rires) : une croisière, une métisse très flirteuse (la célèbre Laurence Clavius qui n'a fait... ah oui, tiens, que ce film), son mari black, illusionniste et un mécano (Charles Vanel, 40 berges, et déjà cet éternel air de vieux...) - moi aussi je taille dans le gras, les autres personnages ne font quasiment que de la figuration ; la métisse tombe à l'eau, qu'est-ce qui reste ? Est-ce notre gars black (trop jaloux de voir toute cette petite cour de jeunes gens qui tournent autour de sa douce) qui a fait le coup (il est illusionniste, c'est son métier de faire disparaître les trucs, isn't it ?) ou le gars Charles guère fute-fute qui s'est fait mordre l'épaule par la donzelle (comme elle l'avait un peu titillé, il a voulu la violer : c'est mal, Charles). L'intrigue, on le voit, n'a que peu d'intérêt mais plutôt que d'être totalement caustique sur ce film que même le réalisateur a voulu oublié, tentons d'y trouver quelques charmes. Déjà, l'affiche est jolie, nan ? (si, ça compte). On pourrait aussi sans doute tenter de sauver la pimpante Clavius qui donne du peps au film à chacune de ses apparitions (ouais Charles, lui, il est plutôt du genre plombant pour ne pas dire lourdaud) et je retiendrais surtout cette incroyable masque-bijou qu'elle porte lors de la soirée dansante ; tous les autres convives d'ailleurs, lors de la fête, portent des trucs en papier mâché qui leur donnent à tous l'air de bourgeois fatigués et las - des plans sur ces tronches de cake qui font leur petit effet même si l'on ne sait trop où le cinéaste veut en venir (pure moquerie ou sens de l'autodérision ohoh ?). Ensuite, il y a ces quelques plans sur l'illusionniste (on est toujours lors de la fête) qui, grâce à d'astucieux jeux de lumière, plantent une ambiance un peu trouble... Bon, aurais-je déjà fait le tour de ce film et de ce bateau ? Faut reconnaître qu’on n’accumule pas vraiment les rebondissements et que la résolution tombe un peu à plat - jeu de mot guère subtil. Comme on a en plus pas vraiment le temps de s'attacher aux personnages lors de ces courtes 48 minutes (le mécano brut de pomme, la métisse un peu fofolle, le mari "obscur"), on est bien en peine de pousser des oh et des ah quand on nous met sur la piste de l'assassin (un flash-back qui n'est d'ailleurs pas vraiment d'une clarté d'eau de roche quand on y songe...). La fin, elle, laisse pantois : "ah, fini ? bon", genre. Bref, on n'est pas vraiment tombé sur la perle rare du Jean mais faut y aller doucement sur sa filmo car, comme annoncé il y a de cela un mois (faut suivre, oui), je n'ai pas fini d'en découdre avec le gars - qui a même eu l'honneur d'une sorte de "réhabilitation" par les Cahiers, c'est dire. A suivre donc...   (Shang - 14/01/14)

vlcsnap-2014-01-14-23h02m57s130

vlcsnap-2014-01-14-23h01m08s56


Il y a tout de même de très jolies choses dans ce petit film étrange. On ne voit effectivement pas vraiment où Grémillon veut nous emmener, mais c'est justement ce trouble qui fonctionne bien. On est dans un monde à part, à la lisière du fantastique avec ce bateau perdu au milieu de nulle part et ses passagers mêlés, des prolos de la salle des machines aux aristos du pont. A l'exact point entre ces deux classes, le couple, érotisé par la caméra fascinée, trône en maître : lui parce qu'il a ce pouvoir magique et cette solitude assumée ; elle par son charme exotique, par l'indéfinissable attirance qu'elle exerce sur ces messieurs et même ces dames. La formidable séquence de bal, qu'on croirait tirée d'un film de Franju, montre bien le mélange de sexualité larvée et de magie noire qui se déploie sur ce paquebot. Le feu est prêt à prendre, et il prendra effectivement, mais dans une scène d'un calme total : la rencontre entre la belle et notre bon vieux Charles Vanel est filmée dans une sorte de suspension du temps (sons étouffés, jeux d'ombres impressionnants, lenteur du jeu d'acteurs), là encore comme un "endroit" de dangers troubles, hyper sexués, où sexe et mort se côtoient. C'est vrai qu'à côté de ces formidables séquences, d'autres sont moins réussies, comme la partie purement policière (dans laquelle Vanel continue à exceller, tout de même, je trouve mon camarade bien dur avec ce type). Mais rien que pour ces plans assez hallucinants et anachroniques sur ces visages de carton-pâte, grimaçants comme une toile de Eisner, lors de la scène de danse, rien que pour ce génial noir et blanc lourd de suavité troublante, rien que pour cette histoire simple mais étrange, il faut absolument sauver ce film de l'oubli. Qui pouvait en 1932 produire ce genre de film, si ce ne sont quelques surréalistes allumés ou quelques poètes complètement indépendants ? Grémillon, le plus discret d'entre eux, a réussi son truc, et l'a fait de plus en y mêlant des éléments purement "cinéma français" (le policier, le film de marins), moi je dis respect.   (Gols - 17/03/21)

daina

Commentaires
Derniers commentaires