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17 avril 2013

LIVRE : Configuration du dernier Rivage de Michel Houellebecq - 2013

Un instant large, hostile, où tout s'agite et bouge ;
Sur les balcons du ciel se tord une nuit rouge,
Soutien-gorge du vide, lingerie du néant
Où sont les corps en vie qui s'agitaient dedans ?

Ils sont partis vaquer dans des prairies malsaines
Dans des trous emplis d'eau, encerclés de fougères
Et la nuit est tombée, doucement, sur la plaine
Le ciel ne se souvient, ni la nuit, ni l'hiver.

configuration-du-dernier-rivage-michel-houellebecq-9782081303164Ah ah, sacré Houellebecq, toujours le mot pour rire. Ces nouveaux poèmes, venus visiblement du fin fond de son marasme physique et cérébral, des plus sombres zones de son univers, en témoignent. Petit livre fulgurant s'il en est, qui brasse en quelques cent poèmes tout l'univers du maître : paysages désertiques d'où tout a disparu, sexe, désir, amour, humanité, envie de vivre ; monde contemporain devenu une sorte de supermarché sans âme où tout se vend ; déréliction du corps, bite en berne et libido consiédérée comme un lointain souvenir ; jeunes filles superficielles et désirables ; vieux cons à teckels bavant sur ces dernières ; et partout désespoir et ruine. Bref, on est en terrain connu, ces poèmes n'étant finalement pas éloignés des premiers de l'auteur : toujours cette espèce de cynisme désabusé, qui n'exclut pourtant jamais un romantisme fièvreux et un certain humour caustique. Inspiré très clairement de quelques grandes figures auxquelles il va jusqu'à piquer les vers et les thèmes (on reconnaît sans forcer Baudelaire et Mallarmé), Houellebecq est un spleeneux, un qui regrette l'âge d'or, un qui cache un profond tourment derrière la violence crue des mots. Mais on sent derrière tout ça la tristesse d'un enfant, voire sa naïveté : même dans la forme, le gars ne cache pas une certaine facilité, un côté "poète du dimanche" complètement assumé. Certains vers tombent d'ailleurs dans le n'importe quoi technique, le gars n'hésitant pas à forcer les pieds à rentrer dans l'alexandrin ("Me console un p'tit peu de mes récents échecs.") On oublie souvent, ça : Houellebecq est drôle, et si la forme ne colle pas avec ce qu'il voulait y mettre, eh bien il envoie la forme se faire voir. Bon, cela dit, ça donne aussi un recueil assez bancal parfois, les fulgurances côtoyant le bâclage, la beauté s'asseyant parfois sur les genoux de la facilité. Certains poèmes sont trop volontairement désespérés, pas toujours sincères.

L'ensemble est pourtant envoûtant, prenant, et, allez osons le mot, assez génial. Qu'il parle de fellation (un des poèmes les plus drôles) ou de fin du monde, le gars est toujours à la juste place (loin des hommes), à la bonne hauteur (le caniveau) et ose ce que peu osent : écrire une poésie directe, viscérale, frontale, hyper-moderne. Configuration du dernier Rivage est vissé au monde d'aujourd'hui, même s'il s'en exclut ; c'est ça, Houellebecq.

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