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Shangols
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6 janvier 2013

4h44, dernier Jour sur Terre (4h44 last Day on Earth) (2012) d'Abel Ferrara

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Ferrara fait pas dans la demi-mesure quant au sujet - la fin du monde, c'est à la mode - mais livre un film d'une très belle sobriété, humain, poignant. Que faire lorsqu'il ne reste que quelques heures à vivre... ? Le programme de Ferrara est simple : baiser, créer, skyper, s'aimer... Willem Dafoe et Shanyn Leigh forment un couple en pleine osmose et l'on sent dans leur façon de se tourner autour, de danser ensemble, de se rejoindre tous les sentiments, forcément exacerbés en ce jour crucial, qui les lient. Seule petite crise dans le couple quand le gars Willem craque devant sa fille et semble faire son mea culpa devant son ex-femme sur Skype... Mais la dispute est de courte durée, semblant totalement vaine devant l'événement annoncé. Willem finit par rejoindre Shanyn sur la toile que celle-ci a peinte durant cette journée apocalyptique - véritable linceul de leur amour - et la belle idée est de se focaliser durant les derniers instants on earth sur ce simple couple qui semble rentrer en résonnance avec le monde - une sorte de "globalisation" à échelle humaine, seulement possible lorsque cette fameuse Terre... disparaît. Il faut d'ailleurs souligner cette sorte d'élan de fraternité que l'ami Abel cherche à souligner lors de ces dernières heures ; cela est comme un écho d'un certain 11 septembre (l'image impressionnante de l'homme qui saute de sa terrasse pour se suicider, sans attendre l'heure fatidique) qui, paradoxalement, semble avoir revigoré ce peuple new-yorkais, notamment, au niveau de la solidarité. Ferrara nous sert un petit morceau "Peace and Love" teintée d'une philosophie toute bouddhique - les différents discours sur les écrans de l'appartement - qui jure avec ses films où sont mis en scène d'éternels personnages border line ; point de véritable défonce à la drogue (le moment serait venu de se déchiqueter... Mais non, Willem décide finalement de partager ses derniers moments avec sa douce, avec le monde donc...), point de séquences religieuses avec des illuminés -  simplement quelques images sur des gens en prière -, et l'oeuvre apocalyptique qui était au programme vire à l'un des films les plus assagis et les plus zen de son auteur.

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Ferrara, et c'est tout à son honneur, semble vouloir éviter toute hystérie collective comme pour venir une ultime fois célébrer cette chtite fibre humaine et sentimentale qui demeure en chacun de nous. Si l'appart de Willem et Shanyn est rempli jusqu'à la gueule d'écrans de télé, d'ordis, de téléphones portables, ces outils technologiques trouvent un emploi toujours "digne" ; à l'image de ce coursier viet, qui vient caresser l'écran de l'ordi de Willem, en voyant une dernière fois ses proches, à l'autre bout du monde, sur Skype, ces moyens modernes de communication semblent prendre, enfin, tout leur sens, dans l'urgence : être en phase avec son propre petit monde et avec le monde, avoir la possibilité de graver une dernière fois en son âme l'image d'une personne aimée, le Ferrara s'amuse à prendre le contre-pied des films de genre : ce n'est pas la technologie big brotherienne qui va perdre le monde, mais bien l'humain qui a simplement oublié de tenir son rang au sein de la nature, qui s'est toujours cru supérieur à elle ; ces derniers instants sont l'occasion pour le cinéaste de célébrer un retour à la "nature humaine" (prendre soin de l'autre, l'aimer, communiquer, faire preuve d'empathie avec le monde) et l'on se dit que l'Abel, à soixante ans sonnés, n'a pas fini de nous surprendre... en bien.   (Shang - 15/12/12)

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Excellent texte de mon camarade (bravo pour cette théorie des nouvelles technologies comme dernier rempart "humain" face à la nature qui se détraque) pour un film qui ne l'est pas moins. Pour tout dire, je sors ravagé de cette séance éprouvante, apocalypse visuelle, sensible et rock'n roll concentrée en quelques minutes et en un seul personnage. C'est effectivement la bonne idée du film : rester (pratiquement) tout le temps dans l'appartement, rester focalisé sur les émotions et les pensées d'un seul être face au monde qui va disparaître. Le personnage choisi par Ferrara pour nous accompagner le jour de la fin du monde est parfait : un être humain simple, ni plus ni moins complexe qu'un autre, avec son passé, son présent, ses peurs et ses amours, ses amis et ses choses à régler. Lui décide que pour ses dernières heures, il ne fera que des choses d'être humain, créer, baiser, danser, renouer avec des amis, réécouter désabusé les paroles d'un Dalaï-Lama à la fois rassurant et dépassé, avoir peur et serrer les dents. Chacune de ses réactions, des plus nobles aux plus dommageables (s'excuser auprès de son ex, engueuler les voisins qui veulent prendre soin du cadavre du suicidé, se droguer pour fuir la réalité) sont humaines, et Ferrara n'a jamais eu autant les deux pieds sur terre que là. Il parvient, par cette extrême concentration sur l'Humain, à créer une sorte de flux incroyable, entre tension totale et relâchement, calme et violence. Cette atmosphère déteint sur tout le film, la ville, vue de loin par notre gars, devient étrange, entre abandon et folie (très jolie séquence presque onirique, quand Dafoe traverse son quartier envahi de gens qui réagissent tous de manières différentes à l'arrivée de l'apocalypse), entre absurdité et grande sagesse. Le monde, d'ailleurs n'est peu à peu vu qu'à travers ces écrans, seule connexion avec le monde qui soit encore humaine : succession de sages, de spécialistes, de gourous divers qui tous, donnent une vision du monde. C'est peut-être d'ailleurs la seule réserve que je ferai au film : Ferrara a encore du mal à se débarasser de ses tendances catho un peu gavantes dans les dernières minutes, envolée mystique hallucinée où les crucifix occupent une belle place. Finalement, c'est le monde entier qui se donne rendez-vous dans ces quelques mètres carré, le passé, le présent et le "futur" se concentrant dans tous ces écrans.

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Le film porte une sensibilté à fleur de peau qui fait des ravages. Le moment culminant est sûrement cette conversation entre la jeune fille et sa mère, par écran interposé, où Ferrara se livre presque à son testament : "You've done your art, you've done everything you can possibly do to have a faith in this world that they've destroyed". L'art apparaît bien comme la dernière chose à accomplir avant que l'humanité s'éteigne, et on n'avait jamais connu le bon Abel aussi délicat et aussi sensible pour le prouver. Il n'a pour autant rien perdu de sa fièvre et livre quelques passages baroques dont il a le secret (film sobre, disait le Shang ? Diable...), proches presque des délires éthylliques d'Apocalypse now, superpositions effrénées d'images de toutes sources sur fond de musique hystériques (ma dévotion va à Francis Kuipers). En fin de compte, on se dit que, oui, la fin du monde ressemblera sûrement un peu à ça, et grâce à Abel, on l'attend avec un peu moins de crainte. Un des plus grands films de cette année, aucun doute.   (Gols - 06/01/13)

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