Deux Rouquines dans la bagarre (Slightly Scarlet) de Allan Dwan - 1956
Ah oui, sombre navet que cet ersatz de film noir : à vouloir apporter ma contribution à l'odyssée démesurée de mon compère concernant le genre, je viens de me mordre les doigts jusqu'au poignet devant cette improbable bouse qui laisse pantois. Ça ira vite : il n'y a franchement rien à sauver dans ce film, pourtant adapté de James McCain, et malgré une première scène qui promet le meilleur : une bombe rousse sort de prison, et son regard vogue de l'une à l'autre des personnes venues la récupérer : une autre rousse non moins gironde, femme fatale à grosse bagnole, et un mystérieux photographe impassible. On sent qu'il va y avoir là-dedans de la trame retorse à base de glamour et de jalousie. On déchante très vite : l'intrigue part en torche dans les secondes qui suivent, ne faisant que survoler les 57000 ébauches de pistes possibles : une femme fatale nymphomanico-cleptomane, un petit truand au grand cœur rêvant de gagner le monopole des casinos sur la ville, une machine politique corrompue, des petites peines de cœur sans conséquence, la menace d'un maffieux, une critique du système étatique, une vision du monde désespérée... Tout y est et rien n'y est, chaque situation sonnant faux comme pas possible, rien n'étant jamais crédible ou un tant soit peu fouillé. Du coup, on regarde ça avec l'impression d'être à 200 bornes des tourments de ces personnages, sans jamais qu'une quelconque menace, qu'un quelconque frisson sentimental, ou que le moindre suspense viennent rompre la monotonie de ces scènes inutiles, dialoguées à l'extrême, dépourvues de passion. On ne retient pratiquement rien de l’ensemble du film, et c'est pour être gentil qu'on peut apprécier à la rigueur ces ombres impressionnantes lors de la scène de meurtre (rappel poussif des grandes règles du film noir) ou les formes avantageuses des actrices principales.
J'ai écrit le mot "actrices", mais c'est beaucoup trop d'honneur à faire à ces tâcheronnes absolument insipides qu'on nous donne à regarder : elles gâchent l'essentiel du film, et bousillent les minuscules choses que le scénar n'avait pas encore saccagées. Les minauderies de cette Arlene Dahl finissent par ulcérer, elle a autant de sex-appeal que, mettons, Raffarin bourré, et Dieu sait pourtant qu'elle n'épargne pas ses efforts ; Dwan, lui, semble fasciné par la donzelle, dont le jeu est aussi subtil qu'un De Funès sous ecsta. Face à elle, il y a le désormais maudit John Payne, qui est pour moi en passe de devenir le plus mauvais acteur du XXème siècle avec son jeu totalement dépourvu d'expression, sa photogénie de pompiste tourangeaux et son rythme de comateux. Pour le reste : musique pompière systématiquement à côté de la plaque, couleurs criardes des décors rocambolesques, surenchère de faux raccords, rythmique dans les chaussettes, dialogue au rabais et action à la Derrick... Vous aurez compris que je ne vous conseille qu'à moitié ce tardif film noir.