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Shangols
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3 octobre 2010

The Housemaid (Hanyo) d'Im Sang-Soo - 2010

19422312_jpg_r_760_x_f_jpg_q_x_20100416_103132Clinquante, spectaculaire, bling-bling, la mise en scène sophistiquée enterre malheureusement sous les ors de son décor la finesse du propos. Il est question ici de lutte des classes, à travers le portrait d'une jeune employée de maison qui va se trouver aux prises avec une famille infernale de grands bourgeois. Manipulation psychologique et sexuelle, luttes internes, humiliations larvées, emprise de la hiérarchie sociale, caste fermée qui devient violente dès qu'on tente de brouiller les frontières, notre pauvre Euny est mal tombée en entrant dans ce véritable palais doré. La vengeance n'en sera que plus rude.

Dans sa première demi-heure, The Housemaid est superbe. Im sait parfaitement doser l'amiguité de chacun de ses personnages. On ne sait pas d'où va venir le danger, mais on sent qu'il rôde. Il charge chaque être d'une dose d'opacité qui enferme son film dans une sorte de thriller sans suspense, où tout est possible : l'héroïne elle-même, jeune fille trop joyeuse et trop insouciante pour être tout à fait claire, porte son poids de trouble, tout comme la fillette dont elle a la charge, enfant sage et opaque parfaitement dessiné. La famille bourgeoise, dans son ensemble, semble constituer une menace sourde, alors que tout est luxe, calme et volupté. Politesse exquise et raffinement supérieur, on pourrait se croire au paradis, mais on sent bien que le revers de la médaille ne tardera pas à apparaître. Malgré des cadres déjà trop savants (Im abuse pas mal des contre-plongées et des plongées, et n'y va pas avec le dos de la cuillère côté décors), on apprécie cet écheveau qui se met en place. Le film démarre d'ailleurs sur une impressionnante scène de suicide qui dit déjà tout19479795_jpg_r_760_x_f_jpg_q_x_20100720_123553 le propos du film : une jeune fille pauvre meurt, on s'émeut trente secondes, puis on retorune à ses activités. Bref, dans son premier tiers, le film est brillamment construit, troublant, et donne même droit à un ou deux plans quasi-géniaux (ce mec qui se fait sucer par son employée et gonfle ses biceps comme le winner qu'il est, glaçant).

Ensuite, patatras, le tout s'effondre en une seule scène. On quitte quelques minutes la maison pour présenter un nouveau personnage, une belle-mère de conte de fées, bien entendu salope comme pas possible, et qui va gâcher entièrement ce qui suit. Car, sur son modèle, Im Sang-Soo abandonne dès lors toute subtilité, et se livre à un simple jeu de massacre sur-explicatif qui n'est pas sans rappeler La Cérémonie de Chabrol (paix à son âme) dans sa frontalité. Le souci, c'est que l'excès convenait autrement mieux au père Claude. Ici, on tombe très vite dans la caricature psychologique, où tout nous est bien expliqué des tenants et des aboutissants de l'intrigue bien avant les personnages. D'un bloc, la famille bourgeoise, que Im voudrait bien faire ressembler aux Atrides, n'est jamais crédible, trop poussée dans les gros traits schématiques pour être ne serait-ce qu'effrayante. La démesure est de mise, on abandonne toute ambiguité dans les personnages (il y a les bons et les méchants, mis à part 19479793_jpg_r_760_x_f_jpg_q_x_20100720_123552à la rigueur une vieille gouvernante hitchcockienne mal interprétée par une comédienne clownesque (sa scène de soûlerie est une horreur)) pour jouer à l'anarchiste facile. Même la mise en scène devient agaçante par sa façon de tout nous expliquer, par ces regards insistants de personnages à personnages, par ces cadres très sophistiqués et beaucoup trop lisibles, par ce manque de mystère qui équivaut à un manque de confiance envers le spectateur. On repense à la scène de l'empoisonnement de Notorious, et on soupire devant celle de The Housemaid, qui ne laisse aucune place à l'imagination, qui ferme le récit par son souci de tout nous montrer. Très en avance sur l'héroïne, on se contente donc d'assister à sa chute, mollement, en relevant la somme de faux raccords et d'erreurs de montage qui jonchent le film. Et on s'ennuie. On préfère quand Sang-Soo se pique moins de politique et assassine des présidents (The President's Last bang, superbe). (Gols 19/09/10)


the_housemaidJe passe du Chili à la Corée du Sud mais le thème reste le même : bonne à tout faire, avec ses petites joies instantanées - celles de faire partie d'une "merveilleuse famille d'adoption" - et surtout ses énormes désillusions - une servante parfaitement adoptée, tu parles, surtout exploitée. C'est vrai qu'au départ la chtite Eun-Yi se glisse dans ces vêtements taillés sur mesure avec une certaine facilité et ne tarde point à tomber sous le charme de cette famille de "rêve" qui se vautre dans un confort matériel proprement hallucinant (leur petit dèj est ce que je mange en un mois, leur cheminée fait passer mon barbecue pour un briquet, leur piano a queue a plus de place que mon harmonica pour s'épanouir - pouh là là, je suis po jaloux, ça va... La cheminée déchire quand même); famille de "rêve" (tout est dans les guillemets) où chacun (la mère, le père et la chtite fille) semble si parfaitement éduqué et aimable qu'ils en seraient presque chiants. Tout glisse dans ce monde glacé de magazine où ce trio est aux petits soins... surtout pour lui-même. La mère, enceinte de jumeaux, fait méthodiquement sa gym, le père s'enivre, au matin, de ses propres notes de piano et, le soir, de son verre de vin rouge ; quant à la gamine, à  six-sept ans (à vue de nez) elle semble tellement mature qu'elle en paraitrait déjà 30. Chacun vaque à ses occupations et les rapports entre eux n'en semblent que plus... déshumanisés - faut bien un grain de sel, nom de Dieu. La vieille gouvernante et la jeune Eun-Yi orchestrent la mise en scène de ce ménage si lisse et policé qu'il doit bien cacher derrière cette bien jolie façade un soupçon de perversité... Le mari va fauter, la femme vengeresse, sous l'emprise de sa calculatrice de mère, va se déchainer, notre bonne, par trop naïve, va forcément morfler. C'est vrai que lorsque ce virage s'amorce, on perd progressivement en mystère - les personnages sont finalement terriblement monolithiques - et Im Sang-Soo peine à vraiment nous surprendre : sa mise en scène continue de se faire, insidieusement, ultra léchée (on voit bien que "les forces du pouvoir", cette famille richissime, sont inarrêtables) et son final grand-guignolesque et cauchemardesque tombe malheureusement un peu à plat. C'est dommage en effet de ne pas avoir su insuffler un peu plus d'ambiguïtés dans ces personnages-marionnettes, tant l'on était prêt à se laisser happer par ce récit aux petites mélodies trop classieuses pour être honnêtes. Un bien bel objet qui manque finalement d'aspérités. (Shang 03/10/10)   

the_housemvaid

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