Tatarak (2009) d'Andrzej Wajda
Wajda entremêle réalité et fiction dans son dernier film ("Tatarak" : genre de jonc odorant (attention symbole! : délivre une délicate odeur pleine de vie alors que ses racines respirent la mort, hm hm)) dédié au directeur de photo Edward Klosinski, compagnon de l'actrice Krystyna Janda que l'on retrouve dans le rôle titre... Cette dernière dans une chambre faiblement mais joliment éclairée témoigne des dernières semaines passées auprès de son mari victime d'une tumeur aux poumons. Le film que Wajda lui a proposé a donc été repoussé avant que l'on plonge dans la fiction dans laquelle elle a finalement participé, fiction sur laquelle plane également l'ombre de la maladie et de la mort (eh bé...): le dernier été de la femme d'un docteur atteinte également d'une tumeur (mais son mari n'ose lui dire); ayant perdu ses deux jeunes fils lors de la guerre, elle se prend d'affection pour un jeune homme qu'elle croise incidemment lors d'un bal et lors de promenades. On voit bien que ce dernier incarne parfaitement ce que seraient ses fils devenus même si peu à peu une réelle sensualité se crée entre eux... Mais un autre drame se prépare et les émotions de la fiction risquent de "déborder" sur la réalité.
Dit comme cela, la trame sonne comme diablement téléphonée et... il est vrai que les passerelles entre le tournage et la confession de Janda sont grosses comme la Tour Eiffel. On n'est pas vraiment dans une grande subtilité au niveau de la construction narrative, même si on peut, ainsi, aisément concevoir toute la difficulté de l'actrice à faire son deuil... Il faut reconnaître un merveilleux sens de l'image, de l'utilisation de la lumière, du cadre, utilisé superbement dans toute sa largeur, dans les séquences, notamment en extérieur, de la fiction : toutes les scènes au bord de la rivière bénéficient en effet d'une cinégénie rare. Les séquences d'intérieur sont elles un peu plus froides, un peu trop propres et lisses, et on a vraiment du mal à se plonger corps et âmes dans le monde émotif de cette histoire - il y a, du coup, comme un petit côté artificiel dans l'ensemble du projet qui dessert fatalement son impact. On veut bien croire que pour Janda le film a des résonnances très personnelles mais on reste pour notre part un peu "en surface" de cette troublante expérience. Esthétiquement impressionnant mais la plongée dans cette rivière du deuil demeure malgré tout un peu glaçante, émotionnellement parlant.