Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
5 décembre 2009

Je vous ai toujours aimé (I've always loved you) (1946) de Frank Borzage

vlcsnap_92100

Eh oui, je parviens encore à dénicher quelques oeuvres du Borzage - ça devient de plus en plus rude, avouons-le. Nous voilà donc devant une production en Technicolor du gars, où chaque feuille, chaque insecte, chaque petit élément du décor semblent avoir été peints avec le petit pinceau d'un vernis à ongle. Il y a parfois tellement de couleurs pétantes dans ce décor champêtre ou dans ce magnifique set de l'appart à Rio de Janeiro qu'on se croirait presque dans un film de Douglas Sirk : les oiseaux sont bleus-fuchsia, le papier peint de l'appart de jeune fille est rose-bonbon, les rouges à lèvres sont vermillons, on en prend plein les mirettes. Certes, me direz-vous, l'élément artistique principal du film demeure, avant tout, la musique, le piano pour être précis, dont les morceaux sont joués, d'après le générique, par le "plus grand joueur de piano du monde", Artur Rubinstein - je pensais que c'était David Paich mais je dois confondre. Borzage nous convie en effet à une histoire d'amour impossible entre une jeune fille et son maître de musique, le piano étant autant l'élément qui les rapproche que celui qui va les éloigner... C'est d'un lyrisme de midinette terrible qui prouve à quel point notre ami Borzage est un romantique indécrottable et, malgré le petit twist final assez inattendu (ah si...), terriblement convenu dans l'ensemble.

vlcsnap_92891

Catherine McLeod, Myra, qui semble sortir tout droit d'un épisode de Lassie (bon, le pire, c'est que c'est vrai pour une fois), est une gentille jeune fille élevée à la campagne. Elle trouve très sympa son frère de lait, en quelque sorte, un jeune fermier plus souriant que du beurre frais, mais succombe au charme de son intransigeant prof de piano, Goronoff, auquel Philip Dorn (hein?) donne un accent russe qui ne fait po dans la dentelle. Ce Goronoff a tout du prodige puant : vivant avec sa babouchka qui semble sortie tout droit d'un film de Hitchcock, il flirte avec les femmes uniquement pour se donner de grands airs d'importance, le type se révélant rapidement profondément misogyne; seule la musique mérite tous les sacrifices, est une maîtresse fidèle, est éternelle,... blablabla (on sent que sa mère l'a bien travaillé au corps) et il est incapable de voir que la chtite Myra n'a d'yeux que pour lui. Pire, après 30 minutes, au moins, d'un concert de Rachmaninov où Myra brille au piano sous la baguette de son mentor, ce dernier est totalement vexé qu'elle lui vole la vedette. Myra sent bien que le type ne pourra jamais la sacrifier à la musique et ce, d'autant plus, si elle finit par dépasser le maître... C'est la rupture, Myra épouse son fermier et se retranche dans son petit chez soi... Deux belles ellipses plus tard, et après avoir assisté à une séquence très gnangnan où nos deux héros communiquent à distance via leur piano (de la télépathie musicale, mouais, c'est du vrai "cinoche"...), nos deux gaziers vont se retrouver pour un ultime concert subtilement quoiqu'indirectement mis en scène par notre ami le fermier, plus finaud qu'il en avait l'air. La musique adoucit les moeurs (hum), la grande énigme étant de savoir qui va prononcer la phrase-titre et à qui ? Les paris sont ouverts... 

vlcsnap_94607

C'est une vraie pâtisserie musicale et multicolore qui s'apprécie gentiment en bon fan de Borzage. Si les détails artistiques - le soin apporté aux couleurs, au montage des grands airs incontournables de piano, aux mouvements amples de caméra - sont assez touchants, c'est vrai que le jeu des acteurs reste lui un peu sur la touche pour nous faire complètement vibrer. Tout part avec de bien bons sentiments, on voit peu à peu comment la pauvre carapace de notre ami Goronoff finit par se fissurer (la musique, c'est bien joli, mais l'amour, l'amour nous lance Borzage, c'est quand même autre chose, isn't it ?) et également comment notre  héroïne finit par lâcher sa cascade de sentiments qu'elle avait toujours eu du mal à vraiment analyser... Du lyrisme vintage qui sort la cavalerie lourde et qui a tout de même bien du mal à faire oublier les premiers Borzage beaucoup moins coulants... Charming et fleurbleuing, va.

vlcsnap_94857

à l'aborzage ! clique

Commentaires
A
Il y a quand même un mystère. Je trouve que Borzage bêtifie à chaque fois davantage dans ces années - ce qui fonctionnait merveilleusement pour le muet devient quasi infantile avec le réalisme du parlant, et ce film autant voire plus si possible- et pourtant je l'ai regardé jusqu'au bout, à cause de la place donnée à la musique bien sûr et de l'actrice qui sait jouer du piano et faire croire à ce qu'on entend, mais peut-être surtout parce que Borzage garde encore par moments son génie de la direction d'acteur et du cadrage qui va avec. A mon avis.
Répondre
Derniers commentaires