The Wolves (Shussho Iwai) (1971) de Hideo Gosha
Gosha est capable du meilleur comme du pire (en fin de carrière...), mais cet opus porté par un Tatsuya Nakadai totalement halluciné et capable d'une violence rare fait partie des belles réussites du maître. Si le film se concentre, dans un premier temps, dans des discussions passionnées où certains des acteurs de deux anciens clans ennemis - et maintenant alliés - tentent d'y voir plus clair, la fin pleine de bruit et de fureur (l'expression colle particulièrement bien à l'ambiance du règlement de compte final) montre véritablement de quoi Gosha est capable quand il lâche les chevaux.
Certes, il faut un peu s'accrocher au départ pour comprendre en quoi consistent les motivations de chacun. La situation historique est, elle, la suivante : en 1929, l'Empereur Hirohito est au pouvoir et donne l'impunité à quelques centaines de prisonniers. Plusieurs hommes de clans adverses, devenus prisonniers quatre ans plus tôt après une bagarre sanglante, se retrouvent libres et rejoignent leur clan, administré par deux nouveaux chefs de clan et placé, ensemble, sous l'égide d'un nouveau grand patron. Nakadai, qui avait trucidé le boss du clan adverse, a laissé sa place à la tête de son propre groupe à un type qu'il respecte, au demeurant. Celui-ci prépare le mariage entre la fille de son ancien boss et un membre du clan adverse : ce mariage fait focément grincer quelques dents d'autant que la jeune fille était liée, auparavant, à un homme de main de son père qui vient tout juste d'être libéré... Bien qu'on essaie de préserver cette paix à tout prix, certains gros bras commencent à exprimer leur peu de confiance en les ennemis d'hier. Cette crainte est renforcée par les tribulations de deux tueuses à ombrelle qui semblent faire le vide dans le clan de Nakadai...
Machinations en coulisses, trahisons, accords secrets, dur de rester un homme d'honneur quand au sommet de la pyramide se trament les pires entourloupes. Nakadai, malgré une certaine bonne volonté au départ, se rend rapidement compte que, dans l'ombre, la traîtrise est de mise et ce pour servir les intérêts des plus haut placés. Il a l'air patient comme ça, le gars, mais quand il est colère, putaing, je vous conseille pas de croiser son regard. Véritable électron libre, il se déchaîne, dans la dernière ligne droite, pour couper en petits cubes apéritifs tous ceux qui se dressent sur le chemin de sa vengeance. Le film fait dans un premier temps la part belle aux acteurs (excellents Isao Natsuyagi et Noboru Ando) qui expriment toute leur frustration devant cet accord de polichinelles. Nakadai tente bien de calmer les esprits avant que la moutarde lui monte méchamment au nez... (j'adore ce type quand il est vénère, presque digne de Mifune). Bien aimé, aussi, ces deux tueuses perfides qui, l'air de ne pas y toucher, transpercent leurs proies comme un duo fatal de mantes religieuses nippones. Un grand soin aux décors et dans l'utilisation du Panavision (qui donne également des gros plans impressionnants), un somptueux thème musical qui devient vite obsédant et un feu d'artifice dans la brutalité, lors du dernier quart d'heure, impressionnant (un découpage vertical de cage thoracique, notamment, j'entends encore les entrailles qui grondent...). Un vrai haut d'Hideo.