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4 novembre 2009

La Fille dont on parle (Uwasa no musume) (1935) de Mikio Naruse

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Absolument bluffé une nouvelle fois par cette oeuvre de Naruse aussi bien au niveau formel (une dynamique du montage époustouflante) qu'au niveau de la profondeur de ses personnages. En moins d'une heure, il sait nous rendre touchants tous les êtres de cette histoire de famille, une véritable petite famille "recomposée" : le grand-père, buveur de saké invétéré qui traîne sa carcasse dans le magasin quand il ne fait point une petite escapade au resto avec un vieux pote, le père, personnage triste comme la pluie, qui, depuis la mort de sa femme, s'occupe exclusivement de sa maîtresse, Oyo - une femme sage comme une image qui bosse dans un petit resto - et enfin les deux "soeurs" (...), véritables héroïnes : Kunie, traditionnelle (le kimono, ça trompe po) et timide, une vraie fourmi qui aide au magasin, et Kimiko, plus extravertie et inconsciente, une vraie cigale qui ne s'occupe que des garçons. Ce petit magasin bat méchamment de l'aile, et le pater tente de trouver une formule personnelle pour pouvoir vendre, illégalement, son propre saké - il est mortifère comme une pendule mais cela le rend, tout de même, d'entrée de jeu sympathique, tout comme le grand-père qui se tape des petites lampées du breuvage en loucedé - celui-ci lui trouve d'ailleurs un drôle de ptit goût depuis quelques temps, et malgré son vieil âge, soupçonne que tout ne tourne pas rond... Kunie souhaite faire venir Oyo auprès de son père et est prête à se marier avec le premier jeune homme riche pour subvenir aux besoins des siens. Un mariage arrangé est goupillé par l'oncle, et Kunie s'y rend accompagnée de Kimiko (séquence admirable et vraiment comique qui oppose le bagou des deux jeunes gens modernes (Kimiko et le prétendant) et la réserve de rigueur de Kunie et de l'oncle outré)... Seulement la Kimi , qui n'a point la langue dans sa poche, fait bien meilleure impression auprès du jeune homme et ne tarde point à bouleverser les plans de chacun...

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Naruse épate par la construction de son récit qui file magnifiquement : chaque plan est découpé avec une infime précision, et c'est un festival au niveau des changements d'angles ou de la variation de la grosseur des plans - des plans en pied aux gros plans, tout y passe. Bien que le récit soit court, il a le temps d'échafauder de multiples petites intrigues et, même si certaines d'entre elles restent en suspend à la fin, on a l'impression de connaître en profondeur la personnalité de chaque individu : le calme parfait d'une Kunie qui est prête à accepter vaillamment son destin, l'égoïsme terrible et l'absence totale de reconnaissance d'une Kumiko qui se la joue moderne mais a oublié en route toutes les valeurs de base (loyauté, sincérité, humilité...), le côté taciturne du père qui lorsqu'il éclate de colère fait trembler sa baraque, l'aspect paisible, rassurant et humble d'une Oyo qui ne cherche en rien à vouloir s'imposer. Naruse sait en plus jouer avec parcimonie de la profondeur de champs - la discussion, vers la fin, entre les deux soeurs qui prennent soudainement conscience qu'un fossé les sépare - et distille deux trois brusques travellings-avant qui font leur petit effet au moment voulu - notamment, la confrontation superbe entre Oyo et Kimiko et ces plans terribles sur leur visage qu'une ombre traverse... On sent que Naruse commence à maîtriser parfaitement cet outil cinématographique qu'il exploite ici avec maestria, faisant de cette "petite histoire" d'une famille sur la pente un petit bijou techniquement brillant. Mizoguchi, à la même époque, prend dix ans dans la tronche.      

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