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Shangols
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8 août 2009

Le Roi de l'Evasion d'Alain Guiraudie - 2009

19100224_w434_h_q80L'arrivée d'un nouveau Guiraudie est toujours une bonne nouvelle, ne serait-ce que pour ce que ça promet de secouage de cocotier. Le Roi de l'Evasion est peut-être un peu plus "sage" que les précédents films du fou, mais il est tout aussi audacieux et n'a rien à leur envier finalement. D'abord parce que Guiraudie s'affine très franchement niveau technique : ce nouvel opus n'a plus les maladresses passées, au niveau des rythmes par exemple. S'il est encore une fois plein de raccords à la mord-moi-le-noeud, s'il revendique haut et fort son amateurisme, c'est par réelle conviction. Le film est splendide, du coup : lumière parfaite sur la campagne et la forêt, musique magnifique entre rock planant et electro vintage, sens de la construction impeccable, et surtout un montage hyper-audacieux qui se moque complètement des logiques d'espace ou de temps pour jouer sur le hiatus, la désynchronisation, le puzzle. On attend donc le générique, et on tombe sur le nom de Yann Dédet, y a pas de mystère. Si vous ajoutez Sophie Pialat à la prod, on voit à peu près dans quelle filiation Guiraudie veut s'inscrire.

19110350_w434_h_q80Ce qui est très fort, c'est que tout ce que l'opinion publique considère comme malsain ou déviant, Guiraudie en fait une fête pleine de santé. Pédophilie, gérontophilie, sexes entre hommes dans les sous-bois, impuissance, drogue, tout est traité avec une santé et une simplicité qui font plaisir à voir. C'est comme si Guiraudie avait décidé que la sexualité n'était pas un problème, et on ne peut que lui donner raison. On assiste donc à de vigoureuses pipes pleines de vigueur, à de saines déclarations entre seniors du même sexe, à des partouzes entre paysans du cru et flics, à des rapports de classe tout bêtement annulés. Le Roi de l'Evasion déborde de santé et de joie, tout simplement, et on a juste envie à la fin du film de tous devenir bi-sexuels, de balancer la psychologie aux orties, et de sortir tout nu dans la forêt en bouffant des racines aphrodisiaques. Aborder des sujets aussi délicats avec une telle inconscience force le respect.

19110348_w434_h_q80Et puis, comme toujours, il y a cette puissance omniprésente de la nature. Et de ce côté aussi, le regard est apaisé et apaisant : la nature est belle, accueillante, ouverte aux êtres, et cette histoire de couple en fuite ressemble très vite à une splendide ode à Pan. La joie éclate dans chaque brin d'herbe, et les malheurs des uns et des autres disparaissent bien vite au contact de ce décor minéral, charnel, profondément érotique et lumineux. Du coup, c'est comme si toute la violence, pourtant bien présente dans le film (inceste, maltraitance, viol) s'estompait dans l'air pur, et tous les problèmes des personnages apparaissent vite comme de bons gros gags vite réglés (en général par une bonne scène de baise). Le film est d'ailleurs très drôle, de cet humour absolument indéfinissable déjà présent dans les autres films de Guiraudie, mélange d'absurde et de poésie à la Boris Vian, alors qu'il traite frontalement des pires frustrations sexuelles qui soient. Un film franc du collier, anarchiste, drôle, qui va son chemin sans aucune hésitation, imprévisible, courageux et inconscient à la fois, un pur bonheur.  (Gols 24/04/07)


i_24936_evasion_02La plus grande surprise de ce film consista, à sa sortie, de tomber nez à nez avec l'ami Gols qui, tranquillou, sirotait sa bière à la terrasse d'un café clermontois, avant d'assister au film à la séance suivante... Vous allez me dire que je botte en touche et parle po vraiment du film... Pas faux. D'autant que si l'on retrouve dans cette oeuvre toute la fraîcheur d'un Guiraudie qui se lâche - pas si rare par les temps qui courent dans le petit paysage cinématographique de l'hexagone -, j'ai malgré tout bien eu du mal à rentrer complètement dans ce récit, certes plaisant, mais pas non plus à se rouler dans la rivière en rigolant tout du long. Bien aimé, tout de même, la séquence tout en raccourci de cette pitite pipus interruptus, la sensualité d'une Hafsia Herzi qui enflamme notre quinqua, cette joulie séquence dans la nature où nos deux héros se font la malle et se tiennent par la main lors d'un plan édenique, ou encore l'excellentissime François Clavier - aucun lien de parenté, forcément - dont chaque apparition ultra sobre et grinçante est un vrai bonheur de comédie caustique - l'homme est poilant et finit forcément à poil pour boucler la boucle. Serais un peu plus réservé sur l'utilisation de ce langage de charretier chez nos bons ruraux qui fait son petit effet au départ mais qui devient un peu trop systématique; certaines scènes, comme celle de notre quinqua cycliste qui s'arrête dans un bar paumé pour faire la connaissance des tenanciers vieillissants du lieu, apparaissent également un peu "forcées", pour ne pas dire "surjouées" et du même coup un poil artificielles. Dommage aussi que cette folle virée de nos deux héros tourne rapidement en eau de boudin, avec au passage deux trois réflexions qui dénotent un peu dans le côté relativement osé et couillu de la chose ("Peut-être que le couple classique, qui a des enfants, est un modèle incontournable" (je cite, mal, de mémoire : les vacances sont passées par là ainsi que plusieurs hectolitres de pastis savourés avec l'ami Gols); ou encore "c'est important d'avoir le Bac..." (mouais enfin c'est surtout difficile de le rater de nos jours, apparemment...)). Bref, bon enfant, sympatoche, mais pas vraiment non plus un souvenir impérissable, quitte à faire un peu la fine bouche devant le déluge d'articles dithyrambiques sur le dernier opus du sieur Guiraudie... Tant mieux, ceci dit et pour rester sur une bonne note, si cela permet au gars de continuer sa voie, son chemin de traverse, dans notre cinéma français bien terne. Sinon, me voilà de retour en terre chinoise et devant mon clavier, ça va fumer! (Shang  08/08/09) 

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