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17 juin 2009

Petits Arrangements avec les Morts (1994) de Pascale Ferran

Vraiment sous le charme de ce film d'une belle intelligence et d'une superbe profondeur. Pascale Ferran semble s'être consciemment placée sous l'influence d'Alain Resnais (beaucoup pensé à Mon Oncle d'Amérique, les trois personnages, la reprise de certaines scènes déjà vues avec l'utilisation d'une voix off qui fait son commentaire, certains accents musicaux également ainsi que le choix de la Bretagne...) et dans une certaine mesure de François Truffaut (la séance des bougies dans le bunker fait forcément penser à La Chambre verte). Certes, elle n'a pas choisi les pires tuteurs tout en sachant, soyons honnête, faire respirer son film d'une façon toute personnelle. Bien que le procédé de départ - suivre, par le jeu des souvenirs, trois personnages qui se croisent sur cette plage - ait pu facilement tomber dans une certaine lourdeur, Ferran parvient, en changeant subtilement ses angles de prises de vue, en ne chargeant jamais ses magnifiques images d'explications inutiles, à nous faire butiner de l'un à l'autre des personnages avec une véritable virtuosité. La direction d'acteurs et la mise en scène étant au taquet, difficile ensuite de trouver la faille.

Petis_Arrangements_Avec_Les_Morts

Trois personnages en quête de bonheur, trois personnages qui semblent, plus ou moins consciemment, avoir toutes les difficultés du monde à faire le deuil d'un être cher. Le premier récit s'attache aux pas d'un jeune garçon un peu turbulent et sûrement un peu trop "mature" pour son âge, comme le dit la mère de son camarade. S'il regarde patiemment, à l'aide de ses jumelles, chacun des protagonistes qui se trouvent ce A0001414jour-là sur la plage, c'est sûrement parce qu'il fait preuve d'un sens aigu de l'observation; seulement s'il porte autant d'attention aux personnes présentes, on découvrira par la suite qu'il n'en oublie point pour autant les absents, notamment l'un de ses amis le plus proche. Tous ces petits jeux d'enfants un peu foufous sont comme dédiés au souvenir de ce jeune compagnon disparu trop tôt. Chaque élément du puzzle se met progressivement en place et c'est presque au spectateur de parvenir à tisser un fil entre chacun des personnages pour enquêter sur ce qui le mine de l'intérieur. On passe ensuite à un frère, François (excellent Charles Berling) et une soeur Zaza, la trentaine et la quarantaine, qui sont venus passer quelques jours de vacances en Bretagne avec leur grand frère, Vincent, et la petite dernière, Suzanne. Si François ne semble jamais être sorti du traumatisme de la mort de l'une de leurs soeurs (ils étaient cinq, c'est ça, vous savez bien compter), en semblant faire un tansfert "de haine/rejet" sur son grand frère (sublime séquence lorsqu'il livre tout ce qu'il a sur le coeur depuis son enfance), Zaza apparaît, elle, comme quelqu'un qui, après avoir toujours tout pris sur ses épaules, est en train de se dissoudre peu à peu. Pascale Ferran, en jouant constamment des allers-retours entre leur enfance, leur métier actuel, leur préoccupation et leur comportement sur la plage, parvient à tisser un réseau de sens absolument remarquable pour nous faire toucher du doigt ce qui ébranle ces deux caractères comme fissurés depuis des années.

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La construction du château de sable sur la plage peut bien sûr donner lieu à de multiples interprétations : retour au monde de l'enfance que l'on aimerait pouvoir rendre parfait, construction de sable aussi fragile que l'équilibre mental d'un homme, sa condition, mais aussi château qu'il est toujours possible de reconstruire. Même si les personnages semblent comme enfermés dans leur bulle temporelle (au présent :  la journée sur la plage vouée à se répéter le lendemain avec le même château de sable, et au passé : ce souvenir dont ils ont du mal à se défaire), cela ne veut point dire qu'un petit grain de sable ne peut les faire basculer vers la lumière; si chacun s'est arrangé jusqu'à maintenant comme il a pu avec ce mort qu'il porte en lui, rien n'est pour autant définitif à l'image de ce château, si facile à détruire, mais si passionnant à reconstruire dès lors que tout le monde met la main à la pâte. La cinéaste, malgré son sujet quelque peu sombre, réussit un film d'une parfaite luminosité, comme si chacun puisait une sorte de régénérescence lors de cette journée-bilan. C'est en tout cas remarquablement agencé et parfaitement interprété, Resnais et la Truffe peuvent être fiers de la relève.      

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