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31 décembre 2008

Frissons (Shivers) de David Cronenberg - 1975

o_shivers_copyDès son premier "vrai" film, Cronenberg ne choisissait pas la voie la plus lisse pour nous parler de ses tourments intérieurs. Le scénario de Shivers est assez impressionnant d'ambition et de prise de risques. Il se déroule dans une résidence de rêve située sur une île canadienne, et dont la brochure promet mille merveilles de confort consumériste de base. Dans cet immeuble va malheureusement se multiplier un parasite assez immonde (mélange de crotte de caniche malade et de limace) qui a la particularité de déclencher immédiatement une irréversible fièvre sexuelle chez la personne infectée. Le Dieu Partouze épargnera-t-il le Canada, c'est tout l'enjeu de ce film qui, on le voit, s'attaque frontalement à l'épineux problème de la libération sexuelle.

shiversSouvent flou dans son développement, le film erre dans un questionnement étrange. On ne sait si Cronenberg veut fustiger cette génération flower-power qui encense l'amour libre, ou au contraire montrer son caractère précieusement subversif face au confort bourgeois classique. On penche la plupart du temps pour la deuxième solution : on rigole bien devant ce couple de bourgeois agacé par le bruit des voisins et se trouvant plongés dans une partouze grand crin ; on est curieusement (?) attirés par ces nymphes sans costume minaudant dans une piscine en tendant leurs bras à la caméra ; et on applaudit devant ces hordes de citoyens en érection qui s'apprêtent à envahir le monde. L'immeuble standing devient petit à petit un nid de joyeuse débauche, et il faut reconnaître que le résultat est bien plus amusant que le confort figé du début du film.

shivers1Mais Cronenberg fait aussi tout pour nous dégoûter de cette grande libération sexuelle, qu'il associe bien souvent à de la pure nymphomanie. Ses "malades" ressemblent plus souvent à des zombies tordus qu'à de vraies tentations, même si le film n'est pas avare en jeunes filles dénudées miaulant "I'm hungry, I'm hungry". Il y a, au détour de quelques scènes, des plans vraiment dérangeants qui viennent tempérer la discours joyeusement anarchiste du film. Les limites d'une trop grande liberté sexuelle sont pointées par exemple avec cette fillette bouffant je ne sais quels organes suintants pour montrer son trouble hormonal, ou cette vieille obèse au visage dégoulinant qui attire un jeune éphèbe dans ses bras. La limace, assez immonde, n'est pas franchement sexy, et vient apporter une touche d'impureté bien glauque dans cet hymne au corps et à l'érotisme. Le discours du film, énoncé par un des personnages, semble être : "tout est sexe, la vie, la mort, la peau, les rapports entre les êtres, etc.", et c'est vrai que cette idée irradiera toute l'oeuvre de Cronenberg. Mais c'est un discours définitivement non-angélique, quand on voit les ravages que le sexe crée dans les corps et dans les âmes.

image1Joli discours donc, malheureusement saccagé par une réalisation inregardable. A cette époque, Cronenberg ne sait pas mettre en scène, il faut bien l'admettre : un montage fait avec des moufles, avançant par sursauts, sans cohésion, et qui fait sans cesse retomber la tension ; des cadres vraiment hésitants, visiblement trop asservis au manque de moyens (les premières scènes, qui auraient pu être très troublantes, ne sont que de pâles tentatives de série B sans audace) ; et surtout, surtout, une direction d'acteurs désespérante : on ne sait pas où Cronenberg est allé dénicher ces comédiens indignes, mais il a fait très fort. Le héros, notamment, est nullissime, genre je souris nonchalament en murmurant "It will be all right" pendant que ma copine assassine le voisin à coups de fourchette. Le jeu de l'ensemble de la distribution est incompréhensible, Cronenberg étant visiblement plus préoccupé par les effets visuels que par ses acteurs. Le résultat est très bancal, cheap à mort, et pour le coup on a parfois l'impression d'être dans un Edward Wood. Il faudra attendre le grand Crash pour voir Cronenberg associer brillament fond et forme pour parler érotisme et urbanisme dans le même film.

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