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27 mai 2008

Kanzo sensei (1998) de Shohei Imamura

Imamura prouve une nouvelle fois tout son talent dans cette histoire située vers la fin de la Seconde Guerre alors que la folie douce semble s'être emparée peu à peu de nos amis Nippons. On retrouve tous les excès de son style particulier, un réalisme fortement teinté de violence et d'érotisme, mais la forte présence d'éléments fantasmagoriques donne un ton encore plus délirant et enjoué que dans la plupart de ses dernières oeuvres.

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Le Docteur Akagi est obsédé par la maladie du foie (le parallèle avec la perte de foi de ses contemporains s'impose presque automatiquement, comme si Imamura parlait français...) : c'est d'ailleurs son diagnostic dans 95% des cas, auprès des derniers patients qui continuent à le consulter. Médecin de famille, il passe son temps à battre la campagne, à courir dans tous les sens, quand ce n'est pas à naviguer pour rejoindre kanzoles îles environnantes. Bien souvent peu d'hésitation avant que la décision ne tombe à la volée devant ces corps jaunis, ouais, c'est bien le foie, des analyses supplémentaires devraient le confirmer... Son obsession tourne rapidement à la déraison notamment après avoir reçu un triomphe auprès de ses pairs lors d'une réunion d'anciens élèves : il ne tarde pas, microscope et projecteur de cinéma en poche, à passer des heures et des heures devant l'étude de bactéries, allant jusqu'à déterrer des cadavres pour étudier leur foie; il finit même par négliger son travail quotidien, reportant de plus en plus les visites d'urgence au lendemain - au grand désespoir de son assistante qui le voit se déliter, une fille de pêcheur qui se prostituait avant d'entrer à son service et de tomber follement amoureuse de son mentor. Il faut reconnaître qu'au niveau de la mise en scène, c'est un vrai feu d'artifice, à l'image des courses effrénées d'Akagi; à tel point qu'au départ, on a presque un peu de mal à suivre tous les chassés-croisés dans cette intrigue qui fourmille de personnages. En revanche, derrière une constante drôlerie des situations ou des répliques (le japonais a eu fâcheuse tendance à me plier en quatre, notamment lorsque dans un simple dialogue les protagonistes se mettent à hurler -en colère ou non d'ailleurs), on ne tarde pas à voir apparaître en filigrane à quel point cette société jap a fini par perdre la boule : si le docteur Akagi se distingue par sa petite fixette, autour de lui on semble rivaliser de perversions : moine bouddhiste qui exténue de par son harcèlement sexuel sa quatrième femme, docteur qui au cours même d'une opération ne peut se passer de sa dose quotidienne de morphine, responsable militaire prenant des photos de jeunes filles en fleurs dans des positions très délurées (vous connaissez le coup de l'oeuf ?), soldat ultra-violent qui tombe dans la démence ("Dieu et Bouddha pouvez-vous pardonner les conneries de nos soldats ?")... Imamura n'y va pas de main morte pour régler ses comptes avec cette société japonaise qu'il a côtoyée adolescent.

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Derrière un esthétisme faisant ressortir la chaleur des couleurs et des teintes, certaines séquences ont des fulgurances glaçantes (cette boucherie issue du cerveau d'Akagi dans cette salle désaffectée digne d'un Lars Von Trier) sans parler de la sublime séquence de la fin, entre quête éternelle avec cette baleine mobydickienne (dont les jets d'eau sont une marque bien féminine dans l'univers de l'Imamura... Toute la séquence baigne d'ailleurs dans un érotisme absolu) et explosion monstrueuse avec cette bombe atomique qui met un terme à cette guerre "stupide"... Un grand sens du rythme, un humour et des personnages foisonnants, une imagination sans cesse renouvelée, un discours de fond qui taille dans le gras à grands coups de baguettes, Imamura montrait en tout cas avec ce Kenzo Sensei qu'il faisait bel et bien partie des très grands, dans le cinéma japonais de cette fin de siècle.

Commentaires
H
Film magnifique, constamment étonnant et parvenant à relancer la surprise jusque dans l'extraordinaire séquence finale (entre 'Moby Dick' et terreur nucléaire) ; malgré la noirceur de son propos (heureusement contrebalancée par un humour très sûr, doublé d'un humanisme désespéré), il atteint par moment à un souffle quasi épique.
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