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27 janvier 2023

Salvatore Giuliano (1962) de Francesco Rosi

450px_Giuliano_rosi_1962

La grande idée de Rosi dans Salvatore Giuliano est qu'on ne voit jamais Salvatore Giuliano - si ce n'est sa mort. Il réussit le coup de Jarnac à la fois de laisser planer son ombre sur tout le film et surtout de nous faire comprendre que ce Salvatore qui a terrorisé la Sicile pendant 7 ans n'est peut-être qu'une pauvre marionnette que la police, les carabinieri, la mafia, le gouvernement, la CIA (...?) a laissé faire - là repose le coeur du film, comme si Rosi se refusait qui plus est de faire de ce meurtrier le "grand héros" de son film - rien à voir donc avec la bouse du Sicilien, avec un Lambert gominé omniprésent, genre de Robin des Bois à l'eau de rose.

salvatoregiuliano1

Sous le soleil blanc de Sicile, Rosi prend de la hauteur pour filmer en plongée les petites rues des villages, les collines alentours, le massacre de Portella della Ginestre, prenant volontairement du recul sur son sujet ; il ne veut pas faire corps avec la population locale pour tomber dans la corde sensible, il ne veut pas être dupe des fils qui s'emmêlent dans le dos de sa vedette - et le scénario semble parfois partir dans tous les sens, multipliant les allers-retours entre le présent et le passé, la caméra passant constamment d'un camp à l'autre, donnant de multiples points de vue. Rosi, quitte à brouiller un peu les pistes, veut montrer que son histoire est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, et le spectateur suit à ses côtés les différents pans de l'histoire, refaisant l'enquête. L'essentiel de la dernière partie du film est consacré au procès des "bras droits" du Salvatore et des petites gens embringuées dans ses coups les plus sanglants ; après une certaine confusion - le spectateur ne sait pas vraiment sur quel pied danser et se dit que définitivement les affaires politiques en Italie c'est le bordel -, peu à peu les langues se délient, l'écheveau se dénoue, et chaque personne qui ose se découvrir, qui donne sa propre version des faits en avouant le rôle qu'il a joué, accuse par ricochets les véritables responsables  (gouvernement, mafia, ...), les vrais manipulateurs. Seulement ces derniers ne sont nulle part dans le box des accusés, tout au plus participent comme témoins et aucune de ces personnes ne sera jamais directement inquiétée.

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Si la dernière partie du film est plutôt bavarde, Rosi semble s'être contenté auparavant de reconstituer précisément et simplement les faits, pour coller au plus près de la vérité, sans jamais que sa caméra donne l'impression de porter un jugement sur tel ou tel participant ; c'est un véritable tour de force car cette absence de repère moral force le spectateur à se faire sa propre opinion, à se plonger dans le film pour essayer à son tour de faire coller les morceaux. Rosi parvient ainsi à toucher au plus près de la réalité tout en parvenant magistralement à nous faire réfléchir à l'envers du décor ; un grand grand film politique, ça faisait longtemps que je l'avais pas sorti.  (Shang - 28/09/07)


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Du classique âpre et sobre comme savaient le faire Rosi et le cinéma italien engagé d'une certaine époque : Salvatore Giuliano est un modèle de rigueur et de mise en scène, avec ce cinéaste omniprésent mais en même temps derrière son sujet, avec cette façon de raconter très ample mais pas tonitruante, avec cette sobriété de chaque plan que n'exclut pas un filmage solaire et dynamique. En occultant complètement la figure centrale du bandit, on passe dans le camp d'une certaine mythologie : ce n'est pas tant Giuliano ou tel autre homme qui font la pègre, c'est la Sicile elle-même. Tout le monde en effet semble plus ou moins impliqué là-dedans, ceux qui agissent, ceux qui suppléent, ceux qui traquent, ceux qui dénoncent, ceux qui aident... La terre elle-même a l'air imprégnée de cette idée de mafia. Rosi filme cette communauté organisée autour de la figure de Giuliano, montrant finalement moins la traque que l'essence de la Sicile. Le talent pour filmer les-gens-les-vrais est extraordinaire : ce sont de grandes fresques avec moult figurants, c'est une manière toute simple de filmer un message qui passe de gusse en gusse, ou une solidarité qui s'organise de village à village. Du coup, quand un des membres de la communauté trahit, c'est tout l'édifice qui est ébranlé, et les scènes de procès, même si elles sont moins intéressantes dans la mise en scène, sont emblématiques d'un état de la politique italienne à ce moment-là. Avant ça, le montage soigneusement désordonné, qui mélange les temporalités, permet à Rosi de désamorcer l'émotion : dès qu'elle pointe, il coupe et filme autre chose. Il se méfie visiblement comme de la peste de la déification de son héros, se refusant au folklore ou aux bons sentiments. A la place : implacabilité du soleil sur les hommes et meurtres secs dans les collines. Du travail solide.   (Gols - 27/01/23)

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