Capitaine Blood (Captain Blood) de Michael Curtiz - 1935
Est-ce que c'est la triste pluie de ce mois de mai ? Est-ce que c'est qu'il vaut mieux voir ce genre de film à Noël ? Est-ce que je suis mal luné ? Est-ce que le récent palmarès du festival de Cannes (parfait) incite à plus d'exigence ? En tout cas, j'ai été franchement déçu par Captain Blood, qui est pourtant un des films mythiques de mon enfance.
Il faut bien le reconnaître : le film est très convenu. Succession de clichés tous plus usés les uns que les autres (même si en 1935, ils n'étaient pas encore des clichés), il déroule sa morne trame sans aucune surprise. On a droit à tous les passages obligés du genre "maritime" : compagnons fidèles et roublards, méchants pirates, jeune première fascinée bien qu'offusquée, capitaine au grand coeur et à la bravoure non moindre, etc. L'ennui, c'est que la forme du film ne vient jamais donner un peu d'originalité à ce scénario délavé : les scènes d'action sont rares (mis à part la bataille finale, plutôt impressionnante, et un duel à l'épée énergique entre Flynn et l'immonde Rathbone), presque évitées par Curtiz, comme s'il avait peur d'affronter ces passages-là. Les décors sont curieusement vides, on n'oublie jamais le studio : la palmeraie est indigemment plaquée sur une toile peinte tristoune, les ciels sont plats, les intérieurs très cheap. Seul le navire de Blood, dans la deuxième partie, est intéressant, dans cet enchevêtrement de filins, de poutres et des trappes. Malgré des jeux d'ombre très joliment faits, Captain Blood ne fait que rarement plaisir aux yeux, et c'est ballot. Et puis cette systématisation des gros plans sur Flynn à chaque fois qu'il hurle ses ordres à ses hommes finit par lasser : il a beau crier "Courage compagnons" avec conviction, on a trop souvent l'impression d'assister à des photos de studio destinées à la promotion du film. D'autant que pour une fois, Erroll est mauvais, se contentant de sourire et de rendre ses yeux clairs pour pallier son absence d'émotion. Curtiz, pour le coup, semble n'avoir rien compris à cet acteur précieux, beaucoup plus convaincant par son corps (il est une vraie présence physique dans Gentleman Jim, par exemple) que dans la subtilité de son visage, juste beau. D'ailleurs, les gusses l'ont affublé d'une coiffure totalement ridicule. Et d'une partenaire (Olivia de Haviland, comme d'hab) peu inspirée elle aussi.
Alors bon, je reconnais qu'il y a quelques scènes qui ont du souffle, comme la bataille finale, donc, pas avare en figurants grimaçants, en mâts qui s'effondrent et en cris gutturaux ("hissez le perroquet sur le foc arrière, et hardis, compagnons !", j'adore), ou comme la silencieuse évasion d'un groupe d'esclaves qui s'empare d'un bateau. Mais au final, un quart d'heure de spectacle sur 2 heures de film, on peut demander plus à ce film qui veut désespérément s'inscrire dans la grande tradition du ciné hollywoodien à pop-corn. Le boulet de canon est tombé dans la flotte.