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16 juin 2006

L'Attente des femmes (Kvinnors Vantan) d'Ingmar Bergman - 1952

On devrait toujours regarder quelques films de Bergman avant d’aborder une femme (ou un homme). Cawaiting_women permettrait de prendre des notes et d’éviter certains pièges. L’Attente des Femmes, film méconnu et sous-estimé, dresse un portrait des petitesses masculines et des frustrations féminines avec énormément de justesse et de rage rentrée. Cinq femmes attendent le retour de leurs maris (réminiscence pour moi, subitement, de l’extraordinaire Frontière Chinoise de Ford). En attendant, elles se rappellent tour à tour le moment de leur « révélation », le moment où elles ont compris que l’amour n’était pas le conte de fées dont elles avaient rêvé, et que la vie allait être une longue route semée d’embûches. Sur cette construction brillante, Bergman tresse une mise en scène qui se renouvelle sans cesse, étonne toujours. Si la première histoire a un peu de mal à convaincre (acteurs flous, trame peu enthousiasmante, mise en scène trop théâtrale pour être vraiment belle), la deuxième est un monument, qui rappelle les grandes heures de Monika.

bergman8Une femme seule, son téléphone, la lumière qui tombe sur son visage, la mort qui frappe à sa porte, ses souvenirs (longue plage de silence très inspirée : scène « eisensteinienne » de cabaret, suivie d’une scène d’amour fellinienne, pour terminer sur un épilogue de souffrance physique et morale… bergmanien) : c’est d’une complexité formelle soufflante, plein d’ellipses, de trous, d’emportements et de rythmes tenus, et c’est beau comme du Rembrandt, poignant comme euh du Bergman. Le personnage, habité, cristallin, frivole et malheureuse de l’être, prend en pleine tête la trivialité de la vie et la beaufitude des hommes. Somptueusement montée, cette séquence (pas loin de la moitié du film) est ce qu’il y a de meilleur chez le maître. L’intelligence de chaque plan, où tout se lit sur le visage de l’actrice, rappelle que le cinéma, quand il est utilisé avec un tel génie, essans_titre8t un art qui n’a rien à voir avec les autres. Bergman joue avec le montage, expérimente des longueurs de plans, des images qui s’entrechoquent violemment ou qui prennent le temps de se laisser regarder, et l’émotion vous bouffe le cœur. A ce niveau de maîtrise technique, on ne peut que se prosterner respectueusement.

La dernière partie, plus légère, et plus ratée, prouve que ce pauvre Ingmar n’est pas fait pour la comédie, il y met trop de cynisme et d’amertume. Les répliques à la Guitry dans un film de Bergman, c’est un anachronisme, preuve en est faite. Seuls sont réussis les moments de tragédie qu’il insuffle là-dedans, comme un bref plan sur un ascenseur qui tombe dans le vide avec un couple à son bord. La toute fin est très jolie, mélancolique à souhait.

l'odyssée bergmaneuse est là 

Commentaires
G
Ah j'avoue qu'une odyssée bergmanienne croisée (avec 2 critiques à chaque fois), ou une odyssée ozuesque silencieuse, ça menquerait pas de gueule. C'est pas du courage, que du plaisir !
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S
Dans Bergman c'est un peu comme dans le cochon tout est bon (sauf la comédie, un peu grasse, je repense au ridicule Toutes ses femmes...) Ayant vu ou revu (mais surtout vu...) les 3 quarts de ses films l'an dernier, j'en reste encore tout pantois... Faudrait que je me relance dedans ainsi que dana ma collection unique au monde des muets d'Ozu (cerains disparus... oui je déconne) pour ce blog. Po sûr non plus d'avoir le courage hitchcockien qui est le tien, ami Gols.
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