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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
25 juin 2022

eXistenZ de David Cronenberg - 1999

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Un petit regard vers un des tournants de la carrière du maître canadien, avant de m'attaquer à son fameux nouvel opus. eXistenZ a fait ma joie dans les années 90, puisqu'il reliait la veine la plus sombre de son auteur avec un souci commercial, comme Dead Zone ou La Mouche, deux films que j'aime particulièrement. Ici en effet, Cronenberg réalise un film d'action, de suspense, et en même temps le peuple de créatures torves et de desseins crapoteux, d'où notre jubilation (teintée de dégoût face à ces créatures visqueuses parfaitement immondes que le héros engloutit avec enthousiasme). Le film a cruellement vieilli au niveau de la trame, apparaissant aujourd'hui comme une petite blague gentiment futuriste ; mais il reste très intéressant malgré tout, par l'univers étrange qu'il déploie, par sa direction d'acteurs qui tend parfois au grand-guignol, par son côté fun, et même par ses effets spéciaux, qui ne sont jamais des gadgets pour craner, mais qui portent en eux une véritable imagerie (inspirée ici par Bosch et ses créatures infernales).

Sans titre

C'est l'éternel combat entre virtualité et monde réel : "eXistenZ" est un jeu sophistiqué, qui tend à se substituer à la réalité (définition du cinéma selon Bazin et Godard, je dis ça je dis rien, mais on peut avoir une lecture cinéphile du film, je vous laisse avec cette idée). On y pénètre en branchant une sorte de cordon ombilical directement dans sa colonne vertébrale. Dès lors, la liberté est totale : la réalité parallèle est là, seulement polluée parfois par des choses étranges (les personnages qui se figent dans l'attente de votre décision, par exemple, ou un curieux insecte à deux têtes (hommage évident à Shangols)). Le but du jeu reste mystérieux, on ne le découvre qu'une fois qu'on a gagné ou perdu. Le problème de Ted Pikul (Jude Law), le héros candide choisi pour tester le jeu avec sa créatrice, Allegra Geller (Jennifer Jason Leigh), c'est que tout ça est si crédible qu'il ne sait plus s'il est dans le jeu ou dans la réalité, les strates de jeu s'accumulant à une vitesse folle. Notre gars sait ce qu'il doit faire (en général, les actes les plus fous) mais semble mu par une force plus grande que lui. Tout ça se déroule dans une atmosphère assez angoissante, grandement sexuelle, qui mélange l'organique et le technique. C'est la grande idée du film ; le futur y est montré non comme un monde où la technologie et le métal ont tout envahi, mais comme un univers où la chair, les organes, les fluides sont devenus eux-mêmes des machines. Consoles de jeu comme des gros fœtus, armes à feu en os et munitions en dents, fiche USB directement creusées dans le corps, cales en cordon ombilical, ou, le comble, connexions possibles par une sorte de deuxième anus...

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Malgré le pari, le résultat est vraiment spectaculaire. Le monde créé ici est crédible, malgré les artifices (notamment dans les transparences). La vision de Cronenberg est pertinente, d’autant qu'il ne se laisse jamais étouffer par les mille idées de son concept futuriste : le film raconte son histoire, ne se départ jamais de son humour à froid et de son goût pour l'action et la surprise, et parvient à nous raconter une trame complexe, sur plusieurs niveaux, remplie comme un œuf, tout en faisant exister son contexte. Au bout des courtes 95 minutes, on est étonné d'avoir pu entrer ainsi dans un univers vraiment barré, d'y avoir cru, et d'avoir en plus eu droit à une histoire solide. Ajoutons que, pour clôturer le tout, on a quelques personnages secondaires savoureux (Dafoe dans son rôle de psychopathe habituel qu'il fait si bien, Robert Silverman et sa tronche de biais). On aurait tort de se priver de ce trip en terre carnée plein de mutations torves.

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