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10 mars 2020

La Religieuse de Guillaume Nicloux - 2013

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Passer après le classique de Rivette n'est pas chose à faire peur à Guillaume Nicloux, qui est déjà passé au travers de pas mal d'expérimentations pour pouvoir se permettre celle-ci. En tout cas, le gars reprend le roman de Diderot au départ, et voit ce que ce texte pourrait avoir à nous dire aujourd'hui, où l'époque et les thèmes sont différents de ceux des années 1780 (pour le roman) et 1960 (pour le premier film). Nous revoici donc sur les pas de Suzanne Simonin, brave gamine qui se voit préférer ses soeurs, et qui se trouve donc contrainte de prendre le voile pour permettre à celles-ci de faire de beaux mariages aidés par les sous de papa-maman. Le souci, c'est que, si sa foi est bel et bien véritable, elle n'a aucun goût pour le couvent. Elle va donc se rebeller contre la décision parentale et l'institution religieuse, et va affronter les difficultés qui en découlent fatalement : brimades, isolement, privations, humiliations diverses vont devenir son lot quotidien. A cette trame d'origine vont se greffer d'autres pistes plus modernes (ou en tout cas plus "parlantes" aujourd'hui) : la manipulation des jeunes esprits (symbolisée par la mère Louise Bourgoin, en une composition séraphique et sado-maso assez convaincante), la pédophilie dans l'Eglise (symbolisée par la mère Isabelle Huppert, qui a compris que le roman était aussi drôle, et qui livre donc une prestation à la limite du burlesque), l'enfance brisée. On le voit : Nicloux n'est pas dans la bête admiration du film de Rivette, ose les hiatus par rapport à lui, change même radicalement la fin de son histoire (mais est-ce celle de Diderot ? je ne sais plus), et réussit à pondre un film bien à lui, qui ne doit rien à personne.

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Premier constat étonnant : la texture de cette Religieuse 2013 est très classique, ce qui est nouveau chez ce cinéaste. Les décors, les costumes, la musique, même la structure narrative obéissent à des règles académiques de reconstitution historique précise. Si ce n'est la construction en flash-back induite par la (très belle) première scène, on reste dans un scénario sans audaces narratives et un habillage linéaire. C'est un peu le souci ici : le rythme du film est trop lent, manque cruellement de nerfs, et le dernier tiers, par exemple est assez chiant. C'est que, un peu emprisonné dans son carcan grand crin de véracité à tout prix, Nicloux ne voit pas que les ambiances mortifères de son couvent débordent sur son film et lui donnent un teint maladif plus que fiévreux. Ça manque, oui, de fièvre, d'urgence, d'énergie : on suit les aventures de la pauvre Suzanne mais sans les éprouver réellement. Pourtant, la petite Pauline Etienne est excellente dans le rôle, parvenant à instiller quelque chose de très contemporain dans ce personnage ancien. Et autour d'elle, on retrouve avec plaisir la bonne Françoise Lebrun en religieuse pleine d'empathie, on s'amuse de Huppert en soeur saphique libidineuse, et on découvre une Bourgoin pas mal du tout en sadique dépassée par son propre mal. Malgré le peu de sève contenue là-dedans, on suit parfaitement cette histoire édifiante, toujours en complicité avec cette pauvre Suzanne ballottée par les contraintes de son rang, et souffrant avec elle de famine, de désolation, de brimades et de froid. Le fatum qui s'abat sur elle fait peine à voir. Un peu appliqué, un peu figé, peut-être, mais bien intéressant tout de même.

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