LIVRE : V.I.P. de Laurent Chalumeau - 2017

Chalumeau écrit en gros toujours le même bouquin, mais parvient à être à chaque fois dans des endroits où on ne l'attend pourtant pas. Avant de faire le portrait d'un prolo frustré (VNR), il avait écrit ce roman qui en est presque le contre-champ. Nous voilà dans le monde fleuri des célébrités et de la jet-set, avec leurs secrets d'alcôve et leurs liaisons secrètes. En l'occurrence, une comédienne de second plan, traquée obsessionnellement par un paparazzi, qui va ce soir-là vivre une aventure fatale. Sans en dire trop, révélons quand même qu'elle est victime d'un cambriolage qui dérape sévèrement, et auquel va assister non seulement le photographe planqué en face, mais aussi l'amant secret de la belle : le président de la République en personne. "Toute ressemblance avec des personnes vivantes serait fortuite. Surtout, franchement, elle serait assez déprimante", indique, matois, l'auteur en incipit, et c'est vrai qu'on ne voit absolument pas le rapport avec un président récent. Passée la surprise de cette audace, qui montre que Chalumeau s'inspire toujours de la réalité de ce qui l'entoure (porteuse, comme on dit, de beaucoup plus d'imagination que la moindre fiction), on plonge façon saut de l'ange dans cette trame impossible, qui fait entrer en piste des espions des services secrets, une juge un peu trop curieuse, une jeune flic soupçonneuse, et tout un tas de seconds rôles qu'on imagine avec des trognes torves et des accents pas poss.

Et en accents, justement, Chalumeau s'y connaît. Sa langue est pétillante comme jamais, donnant à chaque protagoniste sa voix propre, sa sémantique, son ton. Milieu oblige, il laisse tomber un peu l'argot et la langue populaire pour cette fois, lui préférant le sel des expressions corsetées par l'éducation, derrière lesquelles affleurent les origines prolo et les tendances vulgaires. De la fliquette de base, obstinée dans sa quête de la vérité, à ce paparazzi peu scrupuleux, avide de scoop mais terrifié par ce qu'il découvre, le champ des langues est vaste, et le gars l'explore avec un bonheur total, trouvant ici une expression impayable (le roman est très drôle), là un barbarisme qui font tout le plaisir du lecteur. Comme toujours, la fin est un peu sacrifiée, et on dirait que le bougre s'arrête au milieu de son livre, se souciant comme de sa première chaussette de trouver une résolution à la plupart des pistes qu'il a lancées. Mais on ne peut que lui reconnaître un talent certain pour la situation, il emberlificotte ses personnages dans les soucis avec jubilation et esprit, et une parfaite maîtrise du suspense. Ce livre de récréation se lit comme de rien, la banane aux lèvres.