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21 août 2018

LIVRE : Les Arnaqueurs aussi de Laurent Chalumeau - 2007

9782757808825,0-474518Laurent Chalumeau entretient toujours la flamme (...) d'une littérature française populaire et stylée, qui retraverserait l'histoire d'une certaine partie d'icelle, allant de Rabelais à Frédéric Dard, de Prévert à Céline, tout en y injectant de vigoureuses doses de polar américain et de "pulp" : on ne saurait trop l'en remercier. On croirait Les Arnaqueurs aussi issu des vieux films de casse de papa, ceux où on pourrait croiser Lino Ventura et Jean Gabin, mais mâtiné d'une bonne dose d'humour noir qui le rapprocherait des classiques de Hammett et des méta-bidules de Tarantino. Cette modernité réside, messieurs-dames, dans le style, terme galvaudé qui n'intéresse plus grand monde, mais que Chalumeau traite en grand seigneur ; la langue française dans ce qu'elle a de plus direct retrouve ses lettres de noblesse toute de gouaillerie, le langage parlé devient figure de style, et ce roman se déguste comme un bon vieux Bourbon coupé d'un trait de pastis, ce qui peut paraître indigeste, mais se révèle absolument délicieux.

La trame, très secondaire : des escrocs escroquent d'autres escrocs, eux-mêmes escroqués par des escrocs plus malins, qui seront au bout du compte escroqués à leur tour, le tout sur fond d'hôtel de luxe, de bords de mer niçois et d'imposteurs armés jusqu'aux dents. Au départ, le casse, parfait bien entendu, puis à partir de ce classique, le tout qui part en vrille : il eût fallu que le bandit ne croisât pas le regard de la belle Italienne, que celle-ci ne soit pas convoitée également par le dandy, sous le regard du flic corrompu, lui-même surveillé par l'infiltré véreux, etc. Les trames s'enchâssent les unes dans les autres, obéissant à une logique interne façon spirale qui nous fait perdre peu à peu de vue le postulat de départ. Et le fait est qu'on s'en fout, le grand plaisir du livre résidant beaucoup plus dans sa façon de raconter que dans ce qu'il raconte effectivement. Chalumeau travaille la langue avec précision, inventant ça et là des expressions parfaitement hilarantes, polissant patiemment le langage parlé jusqu'à obtenir une nouvelle langue, argotique, imagée, fleurie, au rythme syncopé proche du rap, parfois un peu répétitive sur la longueur mais d'une inventivité permanente. Aux chiottes la psychologie, aux orties les descriptions : le gars est dans l'action, même si elle n'est que peu importante. Du coup, ce roman d'été a la saveur des vieux polars noirs et le style d'Orelsan : c'est sûrement un peu trop long, pas toujours mesuré et parfois décevant, mais c'est en tout cas un grand moment d'écriture, beaucoup plus pensé que ce qu'il n'y paraît.

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