Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
12 avril 2017

LIVRE : Marlène de Philippe Djian - 2017

9782070143191,0-3985453Allez, les enfants, on y croit, au retour de Djian. On constate que le gars revient plus ou moins en force depuis quelques romans (oublions Love Song, voulez-vous), avec ce style très maîtrisé, ces romans moins ambitieux certes mais plus apaisés, moins petit malin. Et louons tous en choeur le dernier né, Marlène, un des meilleurs crus depuis longtemps. Pour une fois, le gars laisse (presque) tomber ses coquetteries d'auteur en vogue. Ok, il n'y a toujours pas de ponctuation autre que les points et les virgules, Djian semble trouver que c'est définitivement génial, si il veut ; ok aussi, ses chapitres découpés à l'emporte-pièce, qui durent parfois un seul paragraphe, ça sent un peu la gaminerie, mais je veux bien. Mais pour tout le reste, on est étonné de voir un tel équilibre, une telle maîtrise de l'écriture, et on applaudit des deux mains.

D'abord parce que le gars renouvelle bien sa galerie de personnages, de plus en plus tourné vers les femmes, qui n'avaient pas la part belle naguère. Il resserre cette fois sa trame sur une poignée de personnages, et notamment deux vétérans de l'Afghanistan : l'un est un indécrottable célibataire plein de tocs, l'autre un gars incontrôlable. Il vivent entourés de femmes, Nath, l'épouse pas très fidèle, Mona, la fille en pleine crise, et surtout Marlène, la belle-soeur à lunettes, qui va venir façon Betty mettre le feu aux poudres. Mais contrairement à l'héroïne de 37°2 le Matin, celle-ci est une brave nana, pas super jolie, maladroite et attachante, et la zizanie qu'elle sème autour d'elle semble lui échapper. Personnage ambigu, que Djian décrit comme un secret : est-elle la dangereuse manipulatrice que voudrait y voir Richard, mettant le grappin sur Dan pour mieux trouver un père à son enfant ? ou est-elle juste une bénédiction du ciel, un personnage curieusement mûr et calme dans l'oeuvre de Djian ? Autour d'elle les petits événements (ou parfois les gros) s'enchaînent, toujours le goût pour transcender le quotidien par des personnages forts et bigger than life.

On aime cette petite tramette ramassée, simple, remplie de coups de théâtre abrupts et d'humour. Mais surtout on aime le style djiannesque, qui a rarement été aussi fin. Qu'il décrive un nuage qui menace ou un type qui nettoie un bowling, qu'il s'attarde sur un chien ou sur l'éclair d'une cuisse nue, Djian choisit toujours le bon angle, le regard qu'il faut, la petite formule qui rend le détail intéressant. Ce qu'il montre là, et c'est nouveau chez lui depuis Dispersez-vous ralliez-vous,  c'est la vie toute simple : pas la peine d'en rajouter (ou presque pas la peine : il y aura bien quelques coups de fusils dans cette histoire, le gars ne peut pas s'en empêcher), les personnages qui la font sont déjà bien assez passionnants. En tout cas, Djian revient en excellente santé, chargeant son roman d'un humour bon enfant, de sexe torride et de considérations sur la vie comme il ne nous en avait pas offert depuis longtemps. Un livre lumineux sur l'amour apaisé, sur la camaraderie et sur le toilettage pour chiens : un excellent moment. (Gols 08/03/17)


"Elle mesurait la dégringolade alors qu’ils avaient approché le sommet. Ils avaient été frappés par la foudre et avaient roulé plus bas encore que le camp de base."

CVT_Marlene_6589

100% d'accord avec la chronique de mon camarade ce qui ne fut pas toujours le cas (les Djian moins bons et mauvais nous divisent souvent) : le Philou cesse de se réfugier sous des références musicales ou littéraires et livre un bouquin qui ferait presque penser, dans son empathie pour les différents personnages, au Djian "old school" (celui d'avant Gallimard...). Depuis, son style, lui, a évolué et ses phrases plus ramassées, plus compactes, donnent encore plus de punch à sa trame. Gols l'a dit, Djian (si ce n'est à l'avant-dernier paragraphe) ne cherche pas ici à balancer juste pour le plaisir d'incroyables coups d'éclat, comme s'il avait retrouvé la foi dans le dessin/dessein de ces cinq personnages principaux. On retrouve, par exemple, cette éternelle philosophie djiannesque : dès qu'un personnage pense atteindre enfin un sommet, il en redescend bien vite, cette sorte fatalité où dès qu'on pense toucher le bonheur du doigt le ciel nous tombe sur la tête. Si notre gars a toujours le sens de la formule (elle "attirait les merdes comme un aimant attire le fer" - c'est pas du Corneille, mais on frôle la perfection), il semble ne pas s'en faire une fixette à chaque page. Il préfère se concentrer sur l'évolution de ses personnages, sur ces liens d'amitié fort mais jamais à l'abri d'une embrouille, sur ces rapports sentimentaux plus compliqués à cernés qu'un discours de Jean Lassale. Bien lui on prend et on aime, sans le dire pour une fois un peu du bout des lèvres, cette Marlène. Qui va chopper l'adaptation au cinoche ? Beineix ? Oui, journée de l'humour aujourd'hui. (Shang 12/04/17)

Commentaires
Derniers commentaires