LIVRE : A ce Stade de la Nuit de Maylis de Kerangal - 2015

A partir de la tragédie de Lampedusa, Kerangal, le temps d'une nuit, laisse dériver ses pensées en partant de la figure de Burt Lancaster, en évoquant Le Guépard de Visconti (c'est quand elle veut pour écrire des chroniques dans Shangols vu son aptitude à creuser le sillon thématique d'une oeuvre à partir de sa mise en forme), en nous faisant tranquillement naviguer sur les eaux troubles du roman, en nous ralliant à bon port en évoquant l'écrivain... Lampedusa. Sonorité d'un nom de lieu, voyage phonétique d'île en île, nous menant de Lampedusa à Stromboli, point d'arrivée, de découverte, d'émotion, de souvenirs... Des mots, des endroits éparses, comme des points de départ pour évoquer ceux qui, pour le coup, tragiquement, n'arrivèrent point. Un flot de phrases joliment ponctuées, comme des vagues de sentiments longtemps refoulés, qui se déploient le temps d'une nuit, comme des bouteilles de mots jetés à la mer (...). Comment a-t-on pu aboutir à un tel naufrage ? Derrière les voix cacophoniques de la radio qui tentent de faire une radioscopie du drame, Maylis de Kerangal tente de plaquer ses propres mots, de placer sa propre voix, comme pour tenter d'en finir avec l'indifférence dont sont victimes ces réfugiés condamnés à couler en silence. L'exercice consistant à évoquer une tragédie n'est jamais simple ; Kerangal parvient malgré tout à brasser ses pensées pour faire entendre calmement son cri, pour tenter de faire émerger sa voix dans le flux des maux contemporains. Touchant d'entendre ces paroles avec fluidité s'écoulant (Maître Yoda). (Ok, j'arrête là, mon ton sentencieux est un peu plombant...). Bel ouvrage.